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Les législatives slovaques : un retour pas si triomphant de Robert Fico
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Macek, L. 2023. « Les législatives slovaques : un retour pas si triomphant de Robert Fico », Blogpost, Paris : Institut Jacques Delors, octobre.
Obligé de démissionner en 2018 et battu lors des législatives de 2020, Robert Fico, premier ministre de 2006 à 2010 et de 2012 à 2018, a su profiter de la conjoncture politique pour gagner une fois de plus les élections législatives slovaques, ce qui le met en bonne position pour envisager un retour au pouvoir. Ce succès a été assez largement rendu possible par la déception engendrée par la coalition « anti-Fico » qui s’est imposée en 2020, mais qui s’est progressivement disloquée, face notamment à la crise sanitaire et aux conséquences de la guerre en Ukraine, avec trois gouvernements se succédant en trois ans. Robert Fico, quant à lui, a tourné assez largement le dos à son passé de social-démocrate pro-européen, en faisant une campagne visant à séduire un électorat sensible au discours pro-russe, anti-américain et eurosceptique, ainsi qu’aux thèses complotistes et « illibérales ».
S’il n’est pas surprenant de constater que cette victoire du SMER-SSD inquiète les partenaires européens de la Slovaquie, sa portée est à relativiser. S’il veut revenir au pouvoir, le parti de Robert Fico sera obligé de constituer une coalition gouvernementale politiquement hétérogène et potentiellement instable. Un conflit ouvert avec l’Union européenne ou une attaque trop brutale contre l’État de droit pourrait pousser ses probables alliés sociaux-démocrates du parti HLAS-SD à changer d’alliance et à s’allier avec les centristes, chrétiens-démocrates et libéraux, et renvoyant le SMER-SSD dans l’opposition. Par ailleurs, sans nier l’ampleur de l’influence des discours populistes et pro-russes en Slovaquie, les résultats de ces législatives montrent qu’une nette majorité des électeurs continuent à privilégier une orientation européenne et occidentale.
Néanmoins, le succès électoral de Robert Fico s’inscrit dans un contexte centre-européen plus large, caractérisé par l’influence persistante des personnalités politiques tutélaires, souvent active dans la vie publique dès les premières années de la transition post-communiste ou encore par l’affrontement entre les partisans de la démocratie libérale et ceux qui se revendique de l’« illibéralisme ». Les élections slovaques – et encore davantage celle qui auront lieu prochainement en Pologne – constituent un nouvel épisode important de cet affrontement qui ouvre une séquence politique cruciale pour l’UE avec les élections européennes de juin 2024 en ligne de mire.