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Matelly, S. « L’Europe comme elle se fait », Infolettre spéciale élections européennes, Institut Jacques Delors, juin 2024

Le mois de mai a ceci de particulier qu’il est en Europe, un mois ponctué de nombreux jours fériés mais aussi le mois où l’on fête l’Europe. Le 9 mai 1950 est en effet une date fondatrice puisque c’est ce jour-là que Robert Schuman en appela, au lendemain de la seconde guerre mondiale, à la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, la CECA afin de créer des interdépendances entre les pays qui rendraient la guerre impossible. « Pour que la paix puisse vraiment courir sa chance, il faut, d’abord, qu’il y ait une Europe. » expliquait-il.

A quelques jours des élections européennes et alors que la guerre est aux portes de l’Europe depuis plus de 2 ans, cette fête a, cette année, raisonné de manière très particulière. Partout en Europe, on perçoit dans un même temps particulièrement déstabilisant, les inquiétudes des citoyens qui les poussent à plébisciter une Europe unie et protectrice et une tentation à la pause dans cette intégration qui s’est exprimée il y a quelques mois par les contestations agricoles et pourrait conduire, dans quelques jours, à une vague populiste, amenant au parlement européen un nombre inédit de députés d’extrême-droite. Triste faille de mémoire européenne ou simple expression d’inquiétudes des européens ? Dans son blogpost du mois de mai, Nicole Gnesotto nous rappelle que Non, il n’y a pas de « bons » populistes. C’est aussi dans ce contexte électoral qu’Andreas Eisl a réalisé une Analyse des programmes économiques des principaux partis pour les élections de 2024. Il y liste les points communs et les lignes de fracture dans les visions de la politique économique de l’Union tels que proposés par les différentes listes en présence. Cette analyse est particulièrement utile à consulter avant de faire son choix le 9 juin prochain, tout comme nos deux infographies sur À quoi sert le Parlement européen ? et Élections européennes 2024 : mode d’emploi, suggestions de lecture de cette infolettre.

Au-delà des enjeux électoraux, l’Institut Jacques Delors mais aussi nos deux sœurs, le Centre Jacques Delors à Berlin et Europe Jacques Delors à Bruxelles sommes d’ores et déjà engagés, et depuis plusieurs mois, sur l’après-élections. Nos travaux ont, une fois de plus ce mois-ci, couverts des sujets divers. Nos travaux ont, une fois de plus, couverts des sujets divers. L’infographie sur Le Pacte européen pour les migrations et l’asile : quelles réponses aux défis des migrations irrégulières et de l’asile donne un aperçu de la logique de l’architecture générale de ce pacte adopté par le Conseil européen, le 23 avril dernier. Elle détaille aussi la répartition des compétences entre les institutions européennes et les Etats et donne nombre de statistiques permettant de mieux cerner la réalité migratoire en Europe, rappels et données bien utiles dans le contexte d’un débat électoral souvent tendu sur ces questions.

Europe Jacques Delors interroge les pistes possibles pour un commerce agricole plus soutenable et plus inclusif en Europe. Towards a more inclusive, sustainable, and cooperative EU agricultural trade: Lessons from practice rappelle que si l’Europe est incontestablement pionnière en matière de développement durable, elle doit utiliser sa politique commerciale comme levier pour faire progresser l’action environnementale et la durabilité du système alimentaire mondial. Il propose un certain nombre de pistes pour une approche plus inclusive et coopérative des accords commerciaux de l’UE. Arthur Leichthammer, Policy Fellow au Jacques Delors Centre à Berlin, souligne quant à lui la dimension stratégique de nos dépendances en particulier concernant les matières premières critiques pour l’industrie européenne et dans la perspective de la transition énergétique. Il explique combien cette dépendance, parce qu’elle est diversifiée mais aussi parce qu’elle se décline aujourd’hui face à la guerre menée en Ukraine par la Russie ou la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis impose aux Européens d’appréhender avec urgence leur place et leur rôle dans une géopolitique mondiale à la fois plus complexe et plus déterminante. Il alerte sur le risque que les ambitions affichées puissent conduire à employer les mauvais instruments. Inquiet sur le manque de moyens dédiés, il rappelle que si réduire les dépendances est un objectif censé, une totale indépendance n’est ni possible, ni souhaitable, les partenariats et coopérations peuvent alors offrir d’utiles alternatives.

Enfin, le mois de mai, c’est aussi pour notre Institut, la fin de l’année pour les jeunes de l’Académie Notre Europe et l’heure de leur dernière session au travers de la Conférence Jacques Delors. Cette conférence était, cette année, un hommage à Jacques Delors et dans ce contexte d’élections, elle fut l’occasion de croiser les regards de diplomates en poste à Paris sur la démocratie européenne et les enjeux des élections mais aussi de candidats sur l’héritage de Jacques Delors. A l’occasion de cette journée, Sofia Fernandes et Inès Saidj ont publié une infographie sur Les jeunes et les élections européennes 2024. Il y apparait que l’image de l’Union reste très positive dans la plupart des pays européens et globalement bien plus positive que pour le reste de la population européenne. On y apprend aussi que 63% des jeunes de moins de 25 ans comptent aller voter ce mois de juin. Une telle participation serait inédite si elle se réalisait… Croisons les doigts. Nos jeunes à l’Académie ont déployé toute l’énergie qui les caractérise pour convaincre leurs copains et proches au travers d’ateliers et d’interventions dans des lycées. Comme chaque année par ailleurs, ce sont aussi eux qui animaient les débats lors de la Conférence Jacques Delors. Nous les remercions et félicitons pour cet engagement.

Et n’oubliez pas d’aller voter !

Sylvie Matelly 

Directrice de l’Institut Jacques Delors