Policy Paper N°298
Levée de boucliers : comment les stratégies de sécurité économique de la Chine, l’Europe, le Japon et les États-Unis façonnent le mond
Fabry, E., Köhler-Suzuki, N., Lamy, P., Sibona, M. « Levée de boucliers : comment les stratégies de sécurité économique de la Chine, l’Europe, le Japon et les États-Unis façonnent le monde », Policy Paper n°298, Institut Jacques Delors, février 2024
Face à la montée des tensions géopolitiques et à l’augmentation des restrictions au commerce et à l’investissement, l’Union européenne s’est récemment dotée en juin 2023 d’une stratégie de sécurité économique. Nous la comparons ici avec celles de trois autres grands acteurs mondiaux – les États-Unis, la Chine et le Japon – pour mieux comprendre la spécificité de l’approche européenne et contribuer au débat qui façonne l’agenda européen de sécurité économique. L’analyse des motivations de chaque acteur et de l’évolution de leurs structures institutionnelles et des mesures de sécurité économique adoptées met en évidence différentes approches. Elle révèle également un effet d’émulation négative entre les grands acteurs avec une multiplication de mesures de sécurité économique qui pourraient tout aussi bien créer un risque de balkanisation des chaînes d’approvisionnement mondiales. Alors que les États-Unis et la Chine ont des traditions déjà bien établies d’utilisation de leur politique économique à des fins de politique étrangère, les enjeux de sécurité économique ne sont encore qu’une préoccupation récente au Japon et dans l’Union européenne (UE). Les États-Unis ont entrepris d’adapter les outils de la Guerre froide aux nouveaux défis. La Chine est passée d’une politique économique axée sur le développement à un agenda centré sur la sécurité, avec une préoccupation constante pour la sécurité du régime. Le Japon a été poussé par son différend territorial avec la Chine à se concentrer depuis 2010 sur la résilience de ses chaînes d’approvisionnement et plus récemment à prendre des initiatives d’institutionnalisation de la sécurité économique. L’UE, pour sa part, se distingue par ses contraintes institutionnelles sui generis, alors que la sécurité relève de la compétence des États membres. Mais elle doit se prémunir contre les turbulences mondiales en se dotant de ses propres instruments. L’adoption de la stratégie de sécurité économique est un pas dans la bonne direction, mais il n’est pas suffisant. Le manque de structures de gouvernance européenne de sécurité économique et d’une évaluation commune des risques, à Vingt-Sept, est un défaut institutionnel qui entrave le développement d’une réflexion de long terme, que l’on trouve plus facilement à Pékin et à Washington. L’Union doit mettre en place une infrastructure qui permette d’impliquer de manière étroite et dynamique les États membres et les entreprises – qui sont des acteurs clés pour la mise en œuvre d’une stratégie européenne de sécurité économique.
Nos recommandations visent à :
– créer un poste de Commissaire à la sécurité économique pour favoriser une bonne coordination des différentes directions générales au sein de la Commission et maintenir l’attention sur l’agenda européen de sécurité économique ;
– créer un nouveau format de Conseil de la sécurité économique au Conseil de l’UE
pour inciter les États membres à développer leur propre gouvernance de sécurité économique à l’échelle nationale ;
– créer un Forum de la sécurité économique qui permette d’ajuster la méthodologie d’évaluation des risques en étroite coordination avec les États membres et les entreprises, et qui viserait à créer une Agence européenne de la sécurité économique, chargée de développer des instruments analytiques d’évaluation et de prospective.
Le document souligne également le rôle clé du Marché unique, qui est le principal atout de sécurité économique des Européens et qui devrait être considéré non seulement comme un espace de concurrence loyale, mais aussi de mutualisation des capacités. L’UE devrait aussi s’inspirer du concept japonais d’« indispensabilité stratégique » dans les technologies critiques en renforçant un leadership technologique de niche qui lui permette de se positionner comme un acteur incontournable des chaînes de valeur technologiques mondiales. Simultanément, l’Union devrait miser sur l’avantage comparatif qu’elle a développé avec ses accords commerciaux en renforçant ses efforts de partenariats
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