Blog post
L’UE doit restaurer la crédibilité de l’adhésion dans les Balkans occidentaux
Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion
Depuis novembre dernier, la Serbie vit, à sa façon, une « révolution de la dignité », pour paraphraser le terme ukrainien. Car c’est bien de la dignité que revendiquent les étudiants serbes et ceux qui manifestent avec eux, face à une vie publique minée par la corruption et les dérives illibérales. Un fait divers tragique local (l’effondrement d’une gare tuant 16 personnes) est devenu une affaire d’Etat, emblématique des maux qui affligent le pays : la tragédie s’est produite après une rénovation, fruit d’un processus opaque mêlant capitaux chinois, soupçons de corruption et pressions politiques…
Toutefois, dans les cortèges qui traversent les villes serbes, on ne voit pas de drapeaux européens. Certes, à la différence de l’Ukraine en 2014 ou de la Géorgie en 2024, la question européenne n’est pas ici l’enjeu direct et principal. La relation torturée de la Serbie avec l’Ouest limite le pouvoir fédérateur des symboles européens. Et les manifestants n’ont pas non plus besoin d’accréditer la thèse d’une « déstabilisation étrangère ».
Cependant, il y a aussi des raisons plus gênantes pour l’Union européenne. Pour de nombreux Serbes, en optant pour une attitude complaisante à l’égard du Président Aleksandar Vučić, l’UE aurait préféré la stabilité à la démocratie. Pourtant, autant le pedigree (ministre de l’Information dans le dernier gouvernement de l’ère Milošević) que le bilan de M. Vučić (selon l’index de l’institut suédois V-Dem qui mesure la qualité de la démocratie la Serbie est passée de 0,49 en 2012 à 0,22 en 2024, très en-dessous de ses voisins) auraient dû inciter l’UE à plus d’exigence. Ajoutons-y l’enlisement général de l’élargissement depuis 2013, et un triste constat s’impose : pour bien des Serbes l’UE n’est plus synonyme et garante du développement démocratique.
Pourtant, les revendications des manifestants – la transparence, l’Etat de droit, la responsabilité des décideurs politiques, l’indépendance de la justice et des médias – se confondent avec les valeurs fondatrices de l’UE. De fait, les manifestants serbes militent pour la voie européenne. Mais ils ne le ressentent pas ainsi, car leur confiance dans l’UE s’est épuisée.
C’est pourquoi la meilleure façon d’aider aujourd’hui les démocrates serbes, c’est de restaurer la crédibilité de la dynamique européenne dans les Balkans occidentaux. Il faut redonner du crédit et du potentiel mobilisateur à la promesse d’adhésion, vieille de plus de 20 ans déjà. L’UE doit encourager les pays candidats les plus avancés à mener à bien une adhésion aux alentours de 2030. D’ici là, il faut offrir aux candidats des bénéfices concrets, attractifs et substantiels, donnant de la chair au concept d’ « intégration graduelle ». Mais la logique du « plus pour plus » (plus un candidat avance sur la voie européenne, plus l’UE lui accorde de bénéfices) doit aller de pair avec celle du « moins pour moins » : un candidat qui régresse ou dont l’attitude reste ambiguë doit en payer le prix.
Les dix dernières années ont profondément abîmé la relation entre l’UE et les sociétés balkaniques. Or, toute alternative à la voie européenne pour ces pays serait porteuse de risques majeurs. A contrario, une intégration réussie redonnerait une perspective positive à la région et renforcerait l’Union et sa crédibilité. C’est indispensable pour qu’elle puisse relever l’autre grand défi : l’adhésion de l’Ukraine et l’instauration d’un rapport de force dissuasif face à la Russie, tant que cette dernière ne renoncera à ses fantasmes impérialistes et révisionnistes.
SUR LE MÊME THÈME
ON THE SAME THEME
PUBLICATIONS
Un Agenda 2030 pour l’élargissement

L’Albanie au grand défi d’adhérer en 2030

Il faut relancer l’élargissement européen sur le principe d’intégration graduelle

MÉDIAS
MEDIAS
Géorgie, Moldavie, Ukraine : l’Europe est-elle en train de perdre son flanc oriental ?

Balkans occidentaux: «L’élargissement est revenu en haut des priorités de l’Union européenne»

UE: Ursula von der Leyen en tournée dans les Balkans, élargissement et croissance au menu

Von der Leyen en tournée dans les Balkans, élargissement et croissance au menu

Pour une «Commission de l’élargissement» face aux défis qui cernent l’Union européenne

Armée : pourquoi la vente de 12 Rafale à la Serbie fait polémique

Avions Rafale: pourquoi les vendre à la Serbie ?

«Il faut relancer l’élargissement européen sur le principe d’intégration graduelle»

Élections contestées à Belgrade : la Serbie s’éloigne encore de l’Union européenne

En Serbie, la contestation ne faiblit pas après des élections « truquées »

De Belgrade à Tirana, une zone d’influence disputée

La Serbie, prétendante dérangeante de l’Union européenne

Elargissement de l’Union européenne

Les pays des Balkans s’impatientent dans la salle d’attente de l’Union européenne

Dve decenije samita u Solunu: Srbija rizikuje da postane država koja je najviše nazadovala na putu ka EU

No More Lullabies: The EU Needs a Renewed Enlargement Process 20 Years After Thessaloniki Promise

« L’intégration graduelle des pays des Balkans construirait un pont solide entre actuels et futurs membres de l’UE »

Les Balkans à nouveau au centre du jeu en Europe

Une Europe à 37 ?

Les tensions entre l’Otan et la Russie risquent-elles de raviver les affrontements au Kosovo ?

Novak Djokovic, figure nationaliste et populaire en Serbie : « S’il se présente, il est élu haut la main »

Roland-Garros. Avec sa sortie sur le Kosovo, Novak Djokovic ravive sa sulfureuse réputation

Le tournoi de Roland-Garros n’a pas encore décidé de sanctionner ou non Novak Djokovic après sa sortie sur le Kosovo

Kosovo : faut-il craindre un nouveau conflit ?

Un sommet UE-Balkans à Tirana pour resserrer les liens face à Moscou

Migrants : l’Europe veut mieux contrôler la route des Balkans

Maillard za N1: Ne bih se brinuo oko non-papera, to je odraz stava neke zemlje

Le Monténégro coincé par Pékin appelle l’Europe à l’aide

Pascal Lamy for N1: Great mistake was done in the Balkans

Former Commission chief of staff says 1990s Balkans a black spot on EU
