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L’UE et le conflit israélo-arabe : une histoire inspirante

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Gnesotto, N. 2023. « L’UE et le conflit israélo-arabe : une histoire inspirante », Blogpost, Paris : Institut Jacques Delors, octobre.


Au lieu de se ridiculiser sur la scène internationale, et de fragiliser l’Union par leurs initiatives personnelles contraires au Traité, la présidente de la Commission et son Commissaire hongrois feraient mieux de relire l’histoire de l’Union face au conflit israélo-palestinien. Car en ces matières, l’Union a été pionnière, voire leader, et cette crédibilité devrait peut-être l’inspirer pour des initiatives futures.

Cette histoire se joue en quatre étapes. C’est au Conseil européen de Venise, en juin 1980, que les 9 chefs d’État de l’époque reconnaissent qu’il n’y a pas d’autres solutions que la coexistence de deux peuples, « dans des frontières sûres, reconnues et garanties ». Ils se déclarent « disposés à participer, dans le contexte d’un règlement global, à un système de garanties internationales concrètes et contraignantes, y compris sur le terrain ». Ils sont les premiers responsables occidentaux à prendre si clairement position. Une décennie plus tard, en 1991, l’UE applaudit et soutient la signature des accords d’Oslo : la poignée de main entre Itzhak Rabin et Yasser Arafat, en présence de Bill Clinton est en effet historique. Dès lors que des négociations s’engagent entre Israël et l’OLP, les Européens n’ont d’autre politique que de soutenir les efforts des États-Unis : à eux les processus politique et la sécurité d’Israël, à l’Europe l’aide humanitaire et au développement pour les Palestiniens. Aujourd’hui encore, l’UE est le premier bailleur de fonds des Palestiniens (1,2 milliard d’euros sur trois ans, de 2919 à 2022), le premier donateur d’aide humanitaire (elle vient de décider de multiplier par trois son aide à Gaza) ainsi que le premier partenaire commercial d’Israël auquel nous sommes liés par un accord de libre-échange effectif depuis 2000.

La troisième étape se joue en 2003, lorsque les États-Unis attaquent l’Irak. Les Européens, sous la houlette de Javier Solana alors haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, se disputent certes sur cette offensive américaine mais ils s’accordent pour rappeler aux États-Unis que le terrorisme n’épuise pas la question de la sécurité internationale : la Stratégie européenne de sécurité, publiée en décembre 2003, rappelle que « le règlement du conflit israélo-arabe constitue pour l’Europe une priorité stratégique ». L’UE décide même de s’impliquer sur le terrain. Dans le cadre de la politique de sécurité et de défense qu’elle commence à mettre en oeuvre, elle décide en 2005 la création d’une opération de police à Rafah, EUBAM Rafah, qui participe au contrôle de la frontière entre Gaza et l’Egypte. Cette opération sera suspendue pour des raisons liées à l’évolution du conflit sur place, mais son mandat reste valide en 2023 (il est d’ailleurs prolongé chaque année). Sur le plan diplomatique, en 2002, l’UE est associée en tant que telle au Quartet, ce format de discussions entre les USA, la Russie, l’Onu et l’UE, autrement dit la plus haute instance internationale pour le conflit israélo-arabe grâce à Javier Solana et son envoyé spécial, Miguel Moratinos, qui sont parvenus à faire reconnaître l’Union comme un acteur indispensable de la région.

Pourquoi ne pas s’inspirer de cette expérience et de cette volonté diplomatique de l’UE en faveur d’une solution diplomatique au conflit ?

Il est évidemment trop tôt, dans le feu de la tourmente actuelle, pour oser des scénarios de recomposition stratégique au Moyen Orient. La seule certitude est que le Hamas, en tant qu’organisation terroriste, doit être écarté de tout avenir et de toute négociation. Pour le reste, l’UE a une responsabilité historique pour aider à trouver des pistes acceptables. Ne peut-on s’inspirer du quartet d’autrefois pour repenser une conférence internationale, mais d’un quartet adapté à la réalité du monde de 2023 : sans la Russie à cause de l’Ukraine, mais avec les USA et quelques unes des puissances du Sud – le Brésil, le Nigéria, l’Inde ou même la Chine ? Vingt ans plus tard, où sont passées l’intelligence et la créativité diplomatique des Européens ? Nous avions réussi, il n’y a pas si longtemps, en 2005, à trouver un cadre multilatéral de négociation pour contenir la prolifération nucléaire en Iran. Nous avions convaincu de sa pertinence les cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui, pendant 10 ans, ont consacré l’UE comme leur représentant collectif. Ce n’est pas rien !

Pourquoi cette intelligence serait-elle impossible aujourd’hui ? Il est vrai que la diplomatie américaine se révèle, pour l’heure, sous ses meilleurs jours. Mais au lieu de laisser les États-Unis se débrouiller seuls, puis se plaindre après, si pour une fois et afin d’honorer notre engagement constant en faveur d’une solution pacifique à ce conflit, nous décidions de nous y mettre aussi ? Une telle disponibilité européenne aurait d’ailleurs le mérite de montrer que l’autonomie stratégique n’est pas uniquement affaire de munitions, de défense, et d’industries d’armements. Elle est d’abord et avant tout la promotion collective d’une vision d’un monde où la justice et le droit l’emportent sur la haine et la force. L’Europe doit sortir du confort de l’impuissance pour aider, si possible, à trouver une solution à cette crise atroce, avec son génie propre, y compris aux côtés des États-Unis.

 

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