Décryptage
Pacte vert: vers une « pause réglementaire européenne » ?
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Nguyen, P.-V. « Pacte vert: vers une « pause réglementaire européenne » ? », Décryptage, Institut Jacques Delors, janvier 2024
L’appel d’Emmanuel Macron à la « pause réglementaire européenne » sur les normes environnementales est symptomatique d’un tâtonnement idéologique sur la question écologique et témoigne d’une certaine indétermination doctrinale quant aux réponses à apporter à la rhétorique d’une partie de la droite et de l’extrême-droite européenne. Or, l’emploi d’une telle expression n’est pas neutre et risque d’être instrumentalisé afin de légitimer le discours et les attaques populistes qui consistent à déplacer le curseur du débat électoral sur le degré d’ambition du Pacte vert européen plutôt que sur sa mise en œuvre effective et la suite à lui donner.
Une clarification est donc nécessaire.
Premièrement, il convient de souligner que l’appel du Président à une « pause » participe à un raisonnement qui souhaite avant tout mettre l’accent sur le volet relatif au financement de la transition. À six mois des élections européennes, la question du financement de la transition énergétique doit être portée au débat public. En se dotant d’une stratégie de financement légitimée électoralement, les vingt-sept impulseraient une dynamique concrète de changement donnant corps aux objectifs définis dans le Pacte vert via des investissements dans la mobilité, le bâtiment, l’agriculture, l’énergie ou encore l’industrie. À contrario, en ne se donnant pas les moyens d’escalader le mur d’investissement, l’Union mettrait en péril son ambition climatique, ce qui pourrait la conduire à détricoter, ou mettre sur « pause » les objectifs qu’elle a méticuleusement définis jusqu’alors.
En parallèle, la France doit s’engager, au travers d’un appel clair et non-équivoque à soutenir et appliquer, avec diligence, les objectifs votés dans le cadre du paquet législatif FitFor55, étant entendu que ces objectifs pourraient être revus à la baisse sous la prochaine mandature. Cela impliquera de joindre la parole aux actes car jusqu’à présent, la France fait preuve d’ambivalence, tantôt ambitieuse au niveau européen, tantôt à essayer de se soustraire au degré d’ambition pourtant défendu, à l’image des récentes discussions entourant la directive énergies renouvelables. En revenant sur des accords antérieurs obtenus en trilogue afin d’aménager des concessions de dernières minutes ou en cherchant à se soustraire unilatéralement aux objectifs conjointement définis, la France engage sa crédibilité. Pire, elle menace l’unité européenne en risquant d’ouvrir un précédent dans lequel d’autres États membres pourraient s’engouffrer: celui de ne pas respecter ses objectifs en lien avec la transition écologique pour ensuite tenter d’entrer en négociation avec la Commission européenne.
Enfin, la France pourrait également appeler à disposer de normes mieux rédigées (et donc moins sujettes à modification) notamment par le biais de la réalisation systématique d’études d’impact intégrant – entre autres – un volet évaluant l’incidence des normes climatiques sur la compétitivité industrielle. À mesure que les connaissances scientifiques évoluent et que les progrès technologiques s’opèrent, la réglementation se doit d’accompagner ce mouvement et aller de pair avec une meilleure transposition (dans les délais impartis et de manière conforme) des règles européennes.