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Peser ou décrocher ?

Infolettre avril 2024

L’infolettre complète

Citer cet article
Matelly, S. « Peser ou décrocher ? », Infolettre, Paris : Institut Jacques Delors, avril 2024


Guerre en Ukraine, élections européennes, mouvements des agriculteurs, CETA ou Mercosur, pause réglementaire autour du Pacte vert, l’actualité européenne ne cesse de poser et reposer la question de la place, du rôle et de l’avenir de l’Union européenne face aux défis intérieurs et extérieurs actuels. Dans son blogpost du mois de mars, Nicole Gnesotto questionne les avancées ou pas d’une Europe puissance face à la géopolitique mondiale. Par ailleurs, la guerre en Ukraine ou encore la perspective d’une réélection de Donald Trump aux Etats-Unis remettent la question de la défense européenne au cœur de l’agenda. Pour autant, au-delà des annonces et d’une urgence perceptible, les européens se divisent sur les moyens et en particulier la mobilisation de moyens financiers nouveaux. Augmenter les dépenses, y incluses les ressources propres de l’UE, débloquer un nouvel emprunt, mobiliser les marchés financiers, les désaccords sont au moins aussi nombreux que les idées innovantes. Au-delà de la défense, ils traduisent des visions très différentes quant à l’avenir de l’intégration européenne et aux moyens à y investir.

Pourtant, il y a urgence à s’entendre comme le souligne l’entretien accordé par Enrico Letta à plusieurs journaux européens mi-mars. Il s’y alarme du décrochage de l’économie européenne par rapport à celle des Etats-Unis. Décrochage dont on peut conclure à la lecture de cet entretien qu’il est aussi le résultat d’une Europe qui ne dispose pas de tous les attributs de la puissance, au premier chef desquels, se retrouvent les enjeux économiques et financiers. Pour y remédier, la poursuite, voire une reprise de l’intégration du marché unique apparait comme une condition essentielle afin de renforcer l’innovation et les financements nécessaire aux transitions en cours à savoir énergétique, digitale et sociale tout en harmonisant, voire en intégrant nos règles en vue de simplifier  et réduire la bureaucratie afin de faciliter l’activité des entreprises mais aussi le quotidien des citoyens européens. A l’image de l’article publié par notre collègue du Jacques Delors Centre à Berlin, Sébastien Mack, qui explique qu’en matière de titrisation par exemple, le manque de normalisation et d’harmonisation juridique empêche actuellement l’UE de profiter pleinement des opportunités de tels mécanismes d’investissements.

C’est dans cette perspective que s’inscrira la présentation mi-avril du rapport d’Enrico Letta sur l’avenir du marché unique. Il constituera à n’en pas douter une analyse clé de la trajectoire à adopter pour permettre à l’Union européenne de s’adapter à ce nouveau monde, plus fragmenté et plus menaçant et aux crises multiples. Les défis posés à l’Union européenne dans ce contexte ont une fois de plus motivé les différentes publications de ce mois de mars et nul doute, du mois d’avril à venir, de même que les prochaines élections européennes. C’est le cas des prochaines élections européennes. Bruno Cautrès et Thierry Chopin les qualifient de moment clé pour la démocratie européenne et l’avenir du projet européen tant du fait de résultats qui s’annoncent incertains quant au poids des nationalistes dans le prochain parlement (dont certains affichent une indulgence voire un soutien à la Russie qui interpelle) mais aussi de par le moment dans lequel elles s’inscrivent avec les incertitudes liées à la guerre en Ukraine et alors que les élections américaines pourraient porter au pouvoir un homme qui veut régler cette guerre en 24h.

Autre défi, celui de l’élargissement – à l’image du Monténégro dont le nouveau gouvernement  espère pouvoir rejoindre l’UE à l’horizon 2028. Il est soutenu par une opinion publique massivement pro-européenne (80% environ) et il serait alors le 1er pays à profiter du futur élargissement. Cet objectif ambitieux est une motivation importante qui renforce la marche de ce pays vers les réformes nécessaires même si les obstacles restent nombreux explique Sébastien Maillard. Le mois de mars est aussi traditionnellement celui où l’on parle ou reparle des questions d’égalité entre les hommes et les femmes, sujet clé en Europe. A l’occasion de la journée de la femme le 8 mars dernier, Lara Martelli nous a proposé une l’infographie sur ce sujet qui illustre à la fois les progrès réalisés mais aussi le chemin restant à parcourir.

Enfin, le blogpost de Renaud Lassus du Europe Jacques Delors à Bruxelles nous rappelle combien un autre défi souvent oublié, la biodiversité marine doit urgemment être traitée. Il y propose des pistes pour mobiliser des investissements privés, posant une fois de plus la question financière. La mandature qui s’achève avait imaginé des financements innovants telle la taxe carbone aux frontières (CBAM – Carbon Border Adjustment Mechanism) et réussi à imposer un grand emprunt pour faire face à la crise déclenchée par la pandémie de Covid, celle qui s’annonce devra être encore plus ambitieuse (nouvel emprunt ? union des marchés des capitaux ? nouvelles ressources propres ?).

Sylvie Matelly

Directrice de l’Institut Jacques Delors

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