Rapport

Réformes sur la voie de la décentralisation en Hongrie, Pologne et République tchèque (1990-2001)

La réforme de l’organisation territoriale dans les pays candidats d’Europe centrale et orientale se situe à la croisée de plusieurs enjeux considérables pour leur future intégration dans l’Union européenne. Cette étude met en évidence le défi considérable que représente la réussite de la mise en place de l’échelon régional pour la gestion et la programmation du développement économique et social.

La réforme de l’organisation territoriale dans les pays candidats d’Europe centrale et orientale se situe à la croisée de plusieurs enjeux considérables pour leur future intégration dans l’Union européenne. Enjeu démocratique, tout d’abord : il s’agit de rompre avec la tradition stérilisante du « centralisme démocratique » et de la passivité, d’établir des relations de confiance et de proximité avec les citoyens et de stimuler leur participation à la vie publique. Enjeu de modernisation, ensuite : une organisation comprenant plusieurs niveaux d’autorités autonomes est la clef d’un gouvernement plus efficace et moins bureaucratique. La création d’une nouvelle classe de responsables politiques et administratifs locaux soucieux d’améliorer la qualité des services rendus à la population reste un objectif ambitieux. Enjeu économique, enfin : la constitution d’entités de taille suffisante pour s’affirmer comme des interlocuteurs économiques et financiers crédibles va de pair avec l’émergence d’une « société civile » capable de contribuer activement au développement économique et social.

Le sociologue tchèque Michal Illner nous propose une remarquable synthèse des réformes entreprises dans trois de ces pays – la République tchèque, la Hongrie et la Pologne – mettant en évidence avec beaucoup de clarté leurs traits communs et leurs différences. J’en retiens que la mise en place de structures locales ou municipales a très vite avancé parce qu’elle répondait à un besoin fort de démocratie de proximité, mais que faute d’un relais au niveau régional, elle risque de déboucher sur une situation confuse et sur une certaine désillusion que traduisent d’ailleurs les sondages d’opinion. C’est en effet au niveau régional que se concentrent les difficultés, non seulement parce que C’est là que se pose de manière concrète la question du partage du pouvoir législatif et financier, mais aussi parce que – dans les trois pays étudiés – les délimitations en cours trouvent difficilement à s’appuyer sur des références historiques ou géographiques indiscutables.

Cette étude met ainsi en évidence le défi considérable que représente la réussite de la mise en place de cet échelon régional pour la gestion et la programmation du développement économique et social, dans le cadre des Fonds structurels européens notamment. Elle pointe le risque pour l’Union, faute d’avoir su proposer à temps un modèle attrayant et raisonné, d’être accusée de vouloir superposer des découpages statistiques à ceux récemment décidés. Elle démontre aussi l’importance d’une coopération décentralisée et des échanges interrégionaux pour rendre assimilables par les nouveaux adhérents qui en ont particulièrement besoin les interventions structurelles. J’en tire la conclusion que si elle veut que sa politique de cohésion atteigne ses objectifs, l’Union devra sûrement la revisiter en adoptant une démarche pragmatique et décentralisée.

C’est une bonne partie de la réussite du grand élargissement qui se joue sur ce terrain et je remercie Michal Illner de nous fournir de solides éléments d’analyse pour renouveler notre approche de la décentralisation et de la question régionale dans l’Union élargie.