Blog post 201005

Contre la pandémie et pour le climat :
la science et l’innovation

Par Pascal Lamy, Président émérite de l’Institut Jacques Delors,
et Carlos Moedas, Membre du conseil d’administration de l’Institut Jacques Delors

Publié dans Les Échos le 30.09.2020.

En 2014, la Commission européenne a offert une récompense de 2 millions d’euros à l’entreprise biopharmaceutique allemande CureVac. À l’époque, cette récompense était un moyen de soutenir les progrès accomplis par cette entreprise vers une toute nouvelle méthode de développement des vaccins. Compte tenu de l’aspect risqué de cette méthode, l’entreprise ne pouvait compter que sur des fonds publics.

Nous voilà maintenant en 2020 : les actions pionnières menées par CureVac pour trouver un vaccin contre la Covid-19 rappellent que cette entreprise est en train de développer certaines des technologies les plus importantes et les plus précieuses de notre époque. Très souvent, les investissements de l’Union dans la recherche, l’innovation et la science se sont avérés visionnaires et déterminants.

Moins de fonds pour l’innovation

Avant le coronavirus, un consensus émergeait à Bruxelles et dans les capitales européennes autour du fait qu’il était temps d’accroître le budget d’Horizon Europe, le principal outil de financement de l’Union pour la recherche et l’innovation (R&I). C’est pourquoi nous nous félicitons du fait qu’en 2019, la Commission européenne a proposé d’allouer 100 milliards d’euros à Horizon Europe pour la période 2021-2027.

Cette semaine, alors que le Conseil européen des 27 chefs d’État et de gouvernement se réunit pour une session extraordinaire, nous avons une question : pourquoi diable le Conseil européen veut-il désormais limiter le budget d’Horizon Europe à 90,9 milliards ?
Ce revirement est une très mauvaise idée. Nous sommes tous en train de nous adapter à de nouvelles façons de travailler, de profiter de notre temps libre, sans parler de la course pour trouver un remède à un virus qui, à la même période l’année dernière, n’existait pas.

À cela s’ajoute le fait que les entreprises privées en difficulté réduisent leurs propres budgets consacrés à la recherche. Ainsi, le besoin de davantage de fonds publics pour la R&I s’est fait plus pressant que jamais.

Que le vaccin soit trouvé par CureVac ou par l’une des nombreuses initiatives similaires en cours, nous croyons en nos scientifiques et innovateurs européens. Toutefois, même après avoir vaincu la maladie, une autre menace à long terme pour notre bien-être subsiste : le changement climatique.

Fausses promesses ?

Il y a deux semaines, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rappelé dans son discours sur l’état de l’Union européenne l’importance d’une économie numérique, verte, qui nous aide à « propulser l’Europe vers le monde de demain ». Elle a proposé que l’Union européenne se donne pour objectif de réduire, d’ici 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % en-dessous des niveaux de 1990.

Il s’agit d’un objectif louable et nécessaire. Il contribuera à mettre l’Union sur la voie de la neutralité climatique d’ici 2050, soit la base du Pacte Vert pour l’Europe. Cet objectif revu à la hausse est aussi une reconnaissance tacite du soutien croissant dans la lutte contre le changement climatique. La semaine dernière, le Président Chinois Xi Jinping s’est engagé à faire de la Chine une économie neutre en carbone d’ici 2060.

Pourtant, sans davantage de recherche et d’innovation, il est certain que la promesse du Pacte vert pour l’Europe ne sera pas tenue et que l’appel de nos enfants et petits-enfants restera sans réponse. Selon l’Agence internationale de l’énergie, même si nous déployons toutes les technologies dont nous disposons à l’heure actuelle (solaire, éolien, efficacité énergétique, etc.), nous n’atteindrons pas notre objectif de neutralité climatique, qui est nécessaire pour diminuer les risques liés au changement climatique : feux de forêt, sécheresses, tempêtes et fonte des glaciers.

Soyons clairs : entre la pandémie mondiale, la crise économique et l’immense catastrophe qu’est le changement climatique, les défis auxquels nous sommes confrontés sont redoutables. Lorsque l’Union européenne augmente ses investissements dans la science et l’innovation, elle se donne les capacités de relever ces défis. Mais que se passera-t-il dans le cas contraire ? Les citoyens deviendront encore plus cyniques à l’égard de l’Union, convaincus qu’elle n’est ni à la hauteur de la tâche, ni digne de leur soutien. Nous ne pouvons pas nous le permettre. La seule stratégie plausible pour relever nos défis mondiaux actuels est la science et l’innovation.

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