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Souveraineté européenne : l’Afrique, un allié stratégique face aux défis mondiaux
Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion
Les européens ont progressivement pris conscience, entre Covid et guerre en Ukraine, des vulnérabilités auxquelles était exposée leur souveraineté, que ce soit au niveau de leur défense, de leur autonomie énergétique ou de leur dépendance aux approvisionnements en métaux critiques indispensables à la transition énergétique. Avec les élections américaines, la prise de conscience a fait place au sentiment d’urgence.
Afin de répondre à ces défis, les regards se tournent vers la plupart des régions du monde, plutôt que vers la plus proche : l’Afrique. Et pourtant, alors que la dépendance au gaz russe a été remplacée par celle au gaz américain, des gisements sont en développement au Mozambique, en Namibie, en Mauritanie… Alors que des accords se signent avec le Chili pour du lithium, l’Afrique détient de vastes réserves de métaux critiques indispensables à la transition énergétique. Là où il s’agit de s’affranchir de chaînes de valeurs (dé)localisées en Chine, le continent offre la possibilité d’en créer localement, ce qui répondrait à deux enjeux fondamentaux : pour l’UE, le repositionnement de certaines de ces chaînes dans un voisinage aux intérêts partagés – « le friendshoring » ; pour les pays africains, la création de bassins d’emplois, premier rempart contre le développement de flux migratoires incontrôlés dont ils sont les premiers à s’inquiéter.
Ces vingt dernières années, l’UE n’a cessé de voir sa position sur le continent s’éroder, principalement face à la Chine, mais aussi l’Inde, la Turquie, la Russie… Cette histoire désormais bien connue semble être acceptée tel un état de fait immuable. D’autres ne partagent pas cette vision : l’Arabie Saoudite vient d’annoncer $40bn d’investissements sur le continent. Les Etats-Unis ont débloque plusieurs centaines de millions de USD rénover la liaison ferroviaire entre le République Démocratique du Congo et l’océan Atlantique – importations de cuivre oblige. Et JP Morgan Chase, une des plus grandes banques au monde, vient d’annoncer son retour sur le continent : le nerf de la guerre reste encore et toujours le financement. Or les banques européennes sont, elles, en train de finaliser un retrait amorcé il y a plusieurs années, sur fonds d’évolution réglementaire post-crise financière globale de 2008.
L’assèchement progressif de ces financements n’a jamais été compensé. Ni par des acteurs non-bancaires (qui rappelons-le assurent la majeure part du financement de l’économie américaine), ni par l’aide au développement, qui fait face à des contraintes budgétaires et aux nécessités de la reconstruction de l’Ukraine. Ramener du financement privé est un impératif qui passera par une adaptation des contraintes réglementaires – dont les enjeux globaux ont été mis en exergue par les rapports Draghi et Letta – et, à court terme, par le développement de partenariats où le financement public jouera le rôle de catalyseur pour amener des flux privés alternatifs, non-bancaires.
Au-delà de la dimension de l’aide au développement, il s’agit d’en ajouter une nouvelle : celle de l’injection de financements privés permettant de déployer des projets essentiels au renforcement de la souveraineté européenne au travers des partenariats stratégiques africains mutuellement bénéfiques. Tout du moins tant que cela restera possible : si pour nombre de pays africains le lien avec l’Europe reste fort, ils n’ont pas le temps d’attendre, et leurs alternatives sont chaque fois plus nombreuses. Cette dimension sera une composante essentielle dans le renouvellement de la relation entre l’Europe et l’Afrique, à l’heure où la polarisation du monde s’accélère toujours. Cela pourrait également s’appeler du bon sens.