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Tic toc, à 4 mois des élections européennes, les débats clés se précisent…
Infolettre Février 2024
Citer cet article Matelly S. « Tic toc, à 4 mois des élections européennes, les débats clés se précisent… », Infolettre, Paris : Institut Jacques Delors, février 2024
Les prochaines élections européennes auront lieu entre le 6 et le 9 juin prochain et alors que les têtes de listes commencent à se dessiner, les évènements semblent s’accélérer ces dernières semaines et faire émerger les débats qui devraient émailler les semaines et les mois qui viennent. La crise agricole en est un exemple et elle se révèle très symptomatique du risque que l’Union européenne redevienne un bouc émissaire facile et si évident pour tous ceux qui veulent marquer des points dans ces prochaines élections. La critique en effet est facile et les sujets si complexes que les faits sont souvent déformés et instrumentalisés et que l’explication de la réalité est peu compatible avec la longueur d’un message sur X (ex Twitter).
Dans ce monde de confrontations, la raison d’être et les valeurs de l’Europe sont bousculées et tous les dossiers sont aisément instrumentalisés par ceux qui depuis longtemps vilipendent le projet européen. L’Europe serait ultra-libérale (alors qu’en réalité la moitié des dépenses sociales dans le monde sont redistribuées sur notre continent), les accords commerciaux pénaliseraient tout à la fois le secteur agricole et la lutte contre le changement climatique (alors qu’en réalité, les Européens ont été les premiers à introduire et négocier des clauses environnementales dans leurs accords commerciaux), le Pacte vert quant à lui ne pourrait qu’handicaper la compétitivité des entreprises européennes et ruiner les paysans européens (là où l’avance prise par les entreprises européennes peut devenir un véritable avantage comparatif et les investissements dans les énergies renouvelables seuls facteurs de résilience). Les fins de mois s’opposeraient à la fin du monde, le repli sur soi, y compris national et les vieux réflexes seraient alors les solutions toutes trouvées à tous nos problèmes.
Et pourtant, la seule tentative de sortie de l’Union européenne, le Brexit n’est pas une expérience des plus concluante (12% seulement des britanniques restent encore convaincus que leur choix était le bon). Il apparait aussi que crise après crise, les Européens ont su trouver des réponses communes souvent inattendues et toujours communes et solidaires. Il est toutefois dommage que l’intégration européenne ne puisse se construire qu’en période de crise alors même que nous avons suffisamment d’expériences à présent pour savoir que la plupart des crises viennent aussi d’un manque d’Europe (on ne le dit pas assez!) N'est-ce pas la renationalisation de la Politique agricole commune qui dans la transposition des normes agricoles européennes explique le zèle de la France au détriment in fine du monde agricole et de l’intégration européenne. Continuons avec la crise énergétique qui a résulté de l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, l’inflation énergétique aurait été plus modérée si l’Europe avait été moins dépendante de ses importations russes mais aussi si les objectifs fixés aux Etats depuis des années en matière de déploiement des énergies renouvelables avaient été respectés.
Alors certes, tout n’est pas parfait loin s’en faut, les moyens manquent pour accompagner les Européens face aux immenses défis auxquels ils font face et la rigueur s’invite à nouveau à la table des négociations. La méthode doit également être adaptée pour à la fois éviter qu’un fauteur de trouble sous influence puisse à lui seul saper des mois de travail et de négociations mais également pour que les réponses européennes soient plus près du terrain et des citoyens. A 4 mois des élections, les débats clés se précisent. Les Européens ne convaincront que s’ils rassurent en parvenant à expliquer combien les politiques menées ces 5 dernières années visent avant tout à protéger les citoyens européens mais aussi en acceptant une réalité plus complexe et en appréhendant avec réalisme les écueils et avec une volonté renouvelée, le chemin restant à parcourir.
Sylvie Matelly
Directrice de l'Institut Jacques Delors