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Trump au secours de la défense européenne ?
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Gnesotto, N. 2023. « Trump au secours de la défense européenne ? », Blogpost, Paris : Institut Jacques Delors, novembre.
Faut-il que le pire arrive aux États-Unis pour construire le meilleur en Europe ? C’est ce que suggèrent les prises de position récentes de deux partenaires traditionnellement atlantiques, les Pays-Bas et la Suède, en faveur de davantage de dépenses et de défense européenne. Interrogés sur une éventuelle victoire de Donald Trump aux États-Unis, lors des élections présidentielles de 2024, les deux ministres de la défense ont plaidé en effet pour l’Europe de la défense comme une alternative nécessaire à un éventuel « lâchage » des États-Unis.
Faut-il s’en réjouir ? Bien évidemment. Dans la tourmente géopolitique qui s’est emparé du monde depuis une décennie, la prise de conscience du rôle stratégique que pourrait jouer l’Union européenne est bienvenue : les Français étaient bien seuls, depuis des années, à argumenter en faveur d’une montée en puissance politique et militaire de l’Union. Le soupçon, récurrent depuis de Gaulle, d’une volonté française d’affaiblir l’Otan, empêchait la plupart de nos partenaires d’aller trop loin dans la mise en oeuvre de la politique de sécurité et de défense commune. La guerre en Ukraine avait certes réveillé la conscience géopolitique de l’Europe mais elle avait surtout renforcé les attentes et les dépendances à l’égard de l’Otan. La scène change radicalement lorsque ce sont les États-Unis eux-mêmes qui deviennent suspects, quand il apparait possible qu’ils puissent désinvestir l’Otan : c’est l’Europe de la défense qui se trouve dès lors relancée. Comment se défendre contre la Russie si ce n’est en effet en jouant la carte de la défense européenne collective?
Faut-il y croire ? Difficile en effet d’oublier que le premier mandat de Donald Trump n’avait pas suscité de vague déferlante en faveur de l’autonomie stratégique de l’Union. C’était plutôt le Brexit, en juin 2016, qui avait véritablement « boosté » la défense européenne. Mais admettons que la deuxième fois soit la bonne : c’est le moment de penser, en particulier du côté français et franco-allemand, à des étapes nouvelles et décisives en matière de défense commune. Reste toutefois que ce plaidoyer en faveur de davantage de défense européenne n’est fondé que sur des considérations conjoncturelles et opportunistes : si Trump perd les élections en faveur d’une nouvelle mandature démocrate, il est probable que ces belles dispositions en faveur d’une Europe stratégique disparaitront dans l’heure, avec un énorme ouf de soulagement. La question demeure donc entière : comment rassembler les Européens, non pas seulement sur la réponse aux menaces extérieures, mais sur un projet politique d’envergure ? Comment faire pour rendre désirable l’ambition d’une Europe comme un acteur stratégique majeur, crédible, volontariste et donc respecté, quelle que soit l’évolution de la politique américaine, ou de la Russie ou …. du Burkina Faso ? Comment fédérer une Europe politique pour ses mérites propres, et non pour pallier on ne sait quelles défaillances de l’Amérique ? La réponse a été introuvable durant des décennies. Le restera-elle dans la nouvelle configuration mondiale qui se dessine d’une catastrophe à l’autre ?
La fin de l’Otan, à supposer qu’une telle catastrophe soit voulue par un président américain, laissera en tout cas ouvertes deux options. La première consistera effectivement dans la création urgente d’une défense commune. Mais avec quelle Europe ? Les 27 ? Les 34 ? Les 27 plus la Grande Bretagne ? Et sous quel commandement ? Il ne devrait pas être trop tôt pour y penser et se préparer. La seconde option est depuis longtemps dans toutes les têtes : une course au traité bilatéral de défense entre tel ou tel pays européen et les USA. Le chacun pour soi donc, qui laisserait sur le carreau stratégique plus d’un Etat européen. Il n’est pas trop tard non plus pour réfléchir aux conséquences de cette fragmentation stratégique majeure du continent européen.