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Trump : une opportunité pour la Chine ?
Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion
Vue de Pékin l’élection du « faiseur de deal » était préférable à la poursuite d’une politique démocrate qui faisait du leadership technologique américain la garantie de la défense de la démocratie et des droits de l’homme. En voulant d’abord attirer les investissements aux Etats-Unis Trump reste ambivalent sur le découplage de l’économie chinoise.
Certes, l’America First Investment Policy du 21 février renforce les restrictions de l’accès à l’innovation américaine dans les technologies critiques (IA, super calculateurs, …) et aux données personnelles. Pour les investisseurs étrangers il faudra même désormais choisir entre le marché américain et le marché chinois : les restrictions pour accéder au marché américain « seront assouplies proportionnellement à leur distance vérifiable et à leur indépendance » par rapport aux risques d’acquisition technologique par la Chine ou d’autres adversaires.
Mais, malgré l’antagonisme antichinois du secrétaire d’État Marco Rubio, du conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz et du conseiller commercial Peter Navarro, Trump évoque encore la création d’emplois américains par des investissements chinois ; notamment dans les technologies vertes alors qu’en négligeant le changement climatique il ne fait pas du rattrapage sur le leadership technologique chinois dans ce secteur un enjeu pour l’industrie américaine. En échange, la Chine devrait garantir plus d’ouverture de son marché aux investisseurs américains – tel que cela avait été prévu par l’accord bilatéral Phase One de 2020 – et traiter l’enjeu des surcapacités que renforce une demande chinoise en berne.
Un tel accord se ferait au détriment des Européens dont l’accord d’investissement avec la Chine de 2020 est bloqué par des sanctions réciproques. Trump limite déjà la possibilité pour les produits chinois de contourner les droits de douanes en fermant la porte arrière du marché américain avec des droits de douanes massifs sur les importations qui viennent du Mexique et du Canada. Plutôt que de s’attaquer aux causes des surcapacités chinoises, il se contentera comme en 2020 d’obtenir des garanties sur la réorientation des exportations chinoises bon marché vers d’autres marchés, donc d’abord le marché européen.
En même temps que la Commission européenne prépare une riposte ferme contre l’offensive tarifaire de Trump, il faut ajuster la politique européenne vis-à-vis de la Chine. Elle a annoncé un usage actif des instruments de défense commerciale (clauses de sauvegarde, mesures anti-dumping et anti-subvention) contre une pression accrue des importations chinoises. Elle propose aussi un changement majeur de doctrine avec son Pacte pour une industrie propre qui est ouvert à l’investissement chinois à la condition que cela favorise l’emploi local et qu’il soit accompagné de transferts de technologies. Le soutien financier de l’industrie verte s’accompagnerait aussi d’une préférence européenne pour les marchés publics. Mais il reste à négocier le maintien de l’ouverture du marché unique contre une plus grande ouverture du marché chinois pour les investisseurs européens et non uniquement les investisseurs américains, alors qu’il s’agit désormais non seulement d’accéder au consommateur chinois mais à la capacité d’innovation chinoise.
Si les annonces contradictoires et reports de droits de douanes de Trump poussent aujourd’hui les investisseurs étrangers à l’attentisme, les Européens doivent activement anticiper ce scénario d’un accord sino-américain.