Rapport

Un élargissement pas comme les autres…

Réflexions sur les spécificités des pays candidats d’Europe Centrale et Orientale. Disponible aussi en allemand.

J’ai, trop souvent à mon gré, l’occasion de m’étonner que l’on parle très peu du prochain élargissement dans le débat public européen. Ou plutôt que, sous cet intitulé prometteur, l’on dérive très rapidement vers la question des institutions de l’Union élargie, ce qui n’est pas tout à fait le même sujet.
Et pourtant, l’idée progresse que cet élargissement ne ressemble en rien à ses prédécesseurs et pose des problèmes d’une nature et d’une ampleur pour lesquels l’Union européenne ne trouve pas de référence dans sa courte histoire. Laisser se développer une telle idée sans s’approfondir serait dangereux car cela pourrait alimenter tous les fantasmes et toutes les craintes, et conduirait à ce que j’ai parfois qualifié de « schizophrénie » : le contraste entre une urgence politique régulièrement affirmée, mais non suivie d’effets, et un mandat de négociation purement technique, laissé à la Commission, et risquant d’aboutir à un inventaire décourageant des difficultés à affronter.
Franciszek Draus a accepté, à la demande de Notre Europe, d’essayer d’expliciter ce nondit de l’élargissement et de cerner les spécificités socio-économiques, institutionnelles et politiques des pays candidats d’Europe centrale et orientale. Ce travail nous montre, qu’au des chiffres qui sont souvent trompeurs car recouvrant des réalités peu comparables, le véritable défi que nous propose l’élargissement à l’Est est celui de l’intégration dans un ensemble homogène de sociétés (et non seulement d’économies) en phase de transition et de reconstruction.
Ce résultat est dérangeant mais conforme à l’objectif qui était visé. Certes, en mettant l’accent sur la nouveauté des problèmes à affronter, ce rapport court le risque d’être accusé de vouloir rendre les choses encore plus difficiles. Cependant, je considère qu’il est utile et nécessaire d’essayer de regarder la réalité en face. Tous ceux qui, comme moi, militent en faveur d’;un élargissement rapide sur le plan politique savent que l’on construit mieux lorsqu’on a identifié les vraies questions avec la volonté de leur apporter une réponse. Vouloir un élargissement rapide c’est, dans une Europe démocratique, accepter l’ouverture du débat public sur toutes ses conséquences, positives et négatives. C’est aussi prendre la mesure de différences qui ne s’estomperont pas forcément avec le temps et doivent être plutôt regardées comme des sujets d’enrichissement pour la construction européenne.
Les propositions que nous fait l’auteur en conclusion nous renvoient à la question fondamentale que j’ai moi-même essayé de poser : comment pouvons-nous, de façon opérationnelle, concilier l’urgence politique de l’élargissement avec le temps indispensable à  la résolution des considérables problèmes de convergence que nous savons devant nous ? Il nous faut sans tarder nous atteler à l’effort d’imagination politique que réclame ce dilemme.