Blog post

Un silence assourdissant…

Infolettre Mai 2025

| 07/05/2025

L’infolettre complète

Citer cet article

Matelly, S. « Un silence assourdissant… », Infolettre, Institut Jacques Delors, mai 2025


Voilà plus de 100 jours à présent que le nouveau président des Etats-Unis a été investi. Et c’est peu de dire qu’il a saturé tout l’espace médiatique et au-delà. Dans le discours qu’il a prononcé à l’occasion de ses 100 jours la semaine dernière, il explique pourtant que nous n’avons encore rien vu. Bluff ? Stratégie d’intimidation ou de chantage ?

A l’occasion d’un premier bilan sur ces 3 premiers mois, nombreux ont été ceux pointant les incohérences des choix politiques de Donald Trump, cherchant le début de failles ou de divisions dans son équipe ou d’un changement de cap. Certes, la sanction économique ne s’est pas faite attendre de la part des marchés financiers même si elle acte, de fait, plus l’incertitude liée à ses revirements permanents d’ailleurs et les marchés s’habituant très vite, il se pourrait qu’elle ne soit que provisoire.

Par ailleurs, cette sanction des marchés financiers semble peu de chose comparé à l’ampleur des remises en cause dont le nouveau président des Etats-Unis peut se targer en si peu de temps. Certes, les sondages commencent à s’inverser aux Etats-Unis, mais ils estiment qu’encore 40% des citoyens américains ont une opinion favorable du président (39% pour le sondage Washington Post/ABC News, 42% pour celui du New York Times et 40% pour le Pew Research Center).

Pourtant, l’annonce la semaine passée par le fonds monétaire international d’un recul du PIB des Etats-Unis est probablement plus inquiétante, car plus structurelle. Rappelons que moins de 6 mois plus tôt, ce même FMI relevait les performances américaines dont il estimait la croissance solide (elle avait atteint 2,8% en 2024), le ralentissement de l’inflation et la situation de plein emploi de cette économie. L’intensification des tensions commerciales et le niveau inédit des incertitudes devraient durablement peser sur l’économie mondiale mais au-delà, la séquence de 100 jours fut déstabilisante, bien au-delà des Etats-Unis. La Chine, épargnée quelques semaines, s’est retrouvée quasiment mise sous embargo commercial par l’administration américaine. Et, elle fut bien la seule à résister (avec les Canadiens, toutefois, qui ont nettement sanctionné les Etats-Unis lors des dernières élections dans ce pays), pour des raisons historiques évidentes, entrainant une surenchère de la part de l’administration américaine. Par leur prudence, les Européens ont évité non seulement l’escalade mais aussi le pire dans cette guerre commerciale mais peut-on s’en satisfaire ?

En 100 jours, Donald Trump n’a pas juste fait beaucoup de bruits, il a imprimé une nouvelle logique dans tous les domaines et se rassurer qu’il ait finalement modéré sa guerre commerciale ou pas encore annexé le Canada ou le Groënland masque mal les changements imprimés en quelques jours partout dans le monde et je serai tentée de dire, même en Europe. Les idées réactionnaires progressent chaque jour un peu plus avec de moins en moins de retenue, le droit international commence à ne devenir plus qu’un lointain souvenir (Accord de Paris sur le climat, Conventions d’Oslo ou d’Ottawa), les luttes d’antan contre le racisme, le sexisme, la violence contre les enfants ou pour sauver la planète sont moquées. Où sont passés les progressistes, les contre-pouvoirs, voix dissonantes et résistances ? Où sont les gens raisonnables ? Telles sont les questions que nous nous posons tous quand nous observons les Etats-Unis et le monde depuis 100 jours. Mais ne pouvons-nous pas nous poser la même question en Europe quand nous observons la dangereuse contagion de ces idées réactionnaires ?

 « Je répète ma conviction profonde : nous avons un devoir, celui d’étendre nos valeurs de paix et de compréhension mutuelle à tous les Européens. » expliquait Jacques Delors lors d’une intervention devant le Parlement européen à Strasbourg, le 26 mai 1993.

C’est inspirés par cette conviction que nous avons poursuivi nos travaux en ce mois d’avril avec la publication de l’étude réalisée par Thibaud Voïta, Décarbonisation des bâtiments et logements abordables : promouvoir les compétences locales et accélérer le pacte vert, d’un décryptage rédigé par Isabelle Marchais et proposant de Faire de la santé une priorité européenne ou encore la contribution externe de Jean Mafart, Une nouvelle stratégie de sécurité intérieure pour l’Union européenne. Christine Verger questionne dans un récent blogpost : Où est donc passé le Parlement Européen ?. Nicole Gnesotto nous décrit dans un autre Un monde à l’envers et Guillaume Duval constate que  la Hausse des taux européens : un impact gérable pour l’instant. Enfin, l’infographie du mois a été réalisée par Eulalia Rubio et Benjamin Couteau et elle porte sur un sujet fondamental et trop souvent mis sous le tapis : Les coûts budgétaires de l’élargissement : poser les bases d’un débat éclairé.

Bonne lecture à tous.

Sylvie Matelly

Directrice de l’Institut Jacques Delors