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Une démocratie soumise à rude épreuve…

Infolettre juillet-août 2024

L’infolettre complète

Citer cet article

Matelly, S. « Une démocratie soumise à rude épreuve… », Infolettre, Institut Jacques Delors, juillet-août 2024


La dernière infolettre de l’Institut Jacques Delors a été publiée quelques jours avant les élections européennes au tout début du mois de juin. Les sondages annonçaient alors une poussée des extrêmes droites en Europe dont nous avions estimé il y a quelques mois, que leur division devrait limiter le rapport de force en leur faveur pour la prochaine mandature. Pourtant, j’écrivais aussi dans cette lettre du mois de juin que « partout en Europe, on perçoit dans un même temps particulièrement déstabilisant, les inquiétudes des citoyens qui les poussent à plébisciter une Europe unie et protectrice et une tentation à la pause dans cette intégration. » C’était il y a à peine quelques jours, presque hier et pourtant cela paraît une éternité tant les évènements se sont accélérés depuis ce fatidique 9 juin 2024.

Il y eut d’abord les élections européennes qui ont révélé une montée de l’extrême droite certes mais tempérée par le bon maintien des 2 premiers groupes au Parlement, à savoir le parti populaire et les sociaux-démocrates. Pour autant, en se rapprochant les extrêmes droites française, hongroises ou autrichienne élues au Parlement européen ont réussi à créer un nouveau groupe politique, les patriotes pour l’Europe, qui se positionne comme la troisième formation à Strasbourg devançant les groupes Renew et des conservateurs et réformistes européens. La particularité de ce nouveau groupe relève de son positionnement anti-européen et pro-russe. C’est la première fois qu’un groupe eurosceptique atteint une telle position. Dans la précédente mandature, Identité et Démocratie totalisait en effet 73 députés, ce qui en faisait le cinquième groupe au parlement européen.

Au-delà de ces résultats européens, un autre fait marquant de ces élections fut aussi les différences significatives des résultats suivant les pays. Hormis au Luxembourg, les partis d’extrême-droite ont progressé au sein de tous les pays fondateurs, se plaçant même en tête en France et en Italie alors que la Péninsule Ibérique et les pays scandinaves tendaient à marginaliser leurs extrêmes.

Suite à ces élections, les nominations des postes clés mais aussi l’agenda des 5 prochaines années ont été l’objet d’intenses échanges. La période est cruciale pour l’Europe comme le rappelle Arthur Leichthammer et Nils Redeker du Centre Jacques Delors à Berlin dans leur article sur « Boxing Smartly by the Rules – What the EU can learn from its EV Anti-Subsidy Investigation against China » ou encore la publication de Pascal Lamy, Geneviève Pons, Sophia Hub et Arianna Lombari d’Europe Jacques Delors sur « Circular Bioeconomy: A climate-friendly solution for the EU agri-food sector? ».

Pour autant, la plus grande surprise de ce 9 juin, dernier jour de ces élections fut sans aucun doute la décision du Président français de dissoudre une assemblée nationale sans majorité claire depuis 2 ans. S’en suivirent 3 semaines de rebondissements largement suivis par les autres pays européens et au-delà tant les enjeux apparaissaient cruciaux.

Ce dernier mois a également été marqué par des élections au Royaume-Uni. Le parti travailliste mené par Keir Starmer y a obtenu une large majorité. Sébastien Maillard estime, que ce changement peut augurer une nouvelle relation, probablement plus étroite, du Royaume-Uni avec l’Europe. Pour autant, après 14 années de domination d’un parti conservateur ayant conduit le pays à quitter l’Union européenne mais aussi une partie de la population au déclassement et à la pauvreté, la tâche sera ardue. Elections après élections, nos démocraties sont mises à l’épreuve. C’est le constat dressé par Nicole Gnesotto dans son Blogpost de ce mois de juin autour des risques pour l’Union européenne d’une arrivée au pouvoir de l’extrême-droite en France. Le scénario ne s’est certes pas réalisé, il n’en reste pas moins un scénario possible dans les années qui viennent si la situation issue des urnes en France conduisait à une impasse et de nouvelles élections. L’élection suivante sera aux Etats-Unis en novembre. A suivre donc…

Pour terminer cet édito sur deux notes plus optimistes, deux ans et demi après le début de la guerre en Ukraine, Daniel Debomy décrypte les derniers eurobaromètres. Il souligne que le soutien des européens à l’Ukraine reste toujours fort malgré une légère érosion et des réserves notables dans certains Etats.

Enfin, le début du mois de juillet, la ville de Lisbonne a accueilli l’Agora Jacques Delors, 4 jours de conférences organisée conjointement par l’Institut Jacques Delors, la Scuola di Politiche et l’Academia Europea Leadership. Cet évènement a réunion plus de 130 jeunes de 33 nationalités différentes, plus enthousiastes les uns que les autres de pouvoir échanger avec des commissaires, des ministres et des responsables politiques européens.

Bel été à tous.

Sylvie Matelly

Directrice de l’Institut Jacques Delors