Décryptage
Une nouvelle stratégie de sécurité intérieure pour l’Union européenne
Par Jean Mafart, Préfet, ancien directeur des affaires européennes et internationales du ministère de l’intérieur, auteur de la Politique européenne de sécurité intérieure (Bruylant, à paraître)
| 09/04/2025
Citer cette publication
Mafart, J. « Une nouvelle stratégie de sécurité intérieure pour l’Union européenne », Décryptage, Institut Jacques Delors, avril 2025
La production des institutions européennes en rapports, programmes, stratégies, plans d’action, conclusions, résolutions, communications, lignes directrices, recommandations et autres feuilles de route est sans doute trop abondante pour qu’on puisse prêter attention à tout ce qui sort des bureaux de la Commission, du Conseil ou du Parlement. Dans cette profusion, pourtant, certains documents ont plus de relief que d’autres ; et tel est certainement le cas de la nouvelle stratégie de sécurité intérieure de l’Union européenne, publiée ce 1er avril.
La politique européenne de sécurité intérieure demeure mal connue : on ne sait pas toujours que l’Union européenne intervient activement en matière de terrorisme, de blanchiment, de trafic de stupéfiants, de protection des frontières ou encore d’harmonisation des législations pénales. On le sait d’autant moins que cette politique s’est construite empiriquement et qu’elle entremêle constamment la compétence de l’Union et celle de ses États membres, sans limite claire entre elles. Pas étonnant, donc, que personne ou presque n’ait entendu parler des annonces pourtant spectaculaires de la présidente von der Leyen au début de son second mandat: le doublement des effectifs de l’agence Europol, chargée d’appuyer les États membres dans la lutte contre la criminalité, et le triplement des effectifs de garde-frontières européens, qui dépendent de l’agence Frontex.
La stratégie de sécurité intérieure mérite pourtant notre attention, non seulement parce qu’elle définit des orientations pour les prochaines années mais aussi parce qu’elle répond directement à de fortes attentes sociales, à la différence d’autres politiques européennes sans doute plus intégrées mais plus abstraites pour le citoyen européen. Le terrorisme et la criminalité organisée demeurent ainsi des menaces très sérieuses, ce qui impose une réponse à l’échelle européenne – l’échelle de l’espace de libre circulation –, et plusieurs épisodes tragiques en France et en Allemagne ont récemment attiré l’attention sur les déficiences de l’Union à sa frontière extérieure, au risque d’affaiblir la légitimité de la libre circulation.