Une Union sans argent c’est une Union impuissante

L’argent c’est le nerf de la guerre dit-on à juste titre. Et en effet le budget dont l’UE peut (ou non) disposer détermine sa capacité à mener les nombreuses politiques publiques dont nous aurions tant besoin à l’échelle du continent. Mais pour l’instant ce budget reste famélique et rien n’indique qu’il s’apprête à augmenter significativement dans les années qui viennent.
Le budget de l’Union est fixé en effet pour plusieurs années et on va commencer à négocier le cycle budgétaire qui couvrira la période post 2028, négociation qui va s’étaler jusqu’en 2027. La Commission Européenne doit présenter une proposition initiale en juillet.
Tout le monde en convient : il est indispensable de réduire les inégalités entre Européens qui nourrissent le dumping social et l’euroscepticisme ; il est urgent de doper l’innovation et de réduire enfin nos dépendances excessives tant à l’égard de la Chine que des Etats Unis ; il faut accélérer la transition énergétique et la mutation écologique pour faire face à une crise environnementale qui s’aggrave ; et enfin nous devons renforcer sans délai notre défense pour résister à la menace que fait peser l’alliance de Donald Trump et de Vladimir Poutine.
Mais, pour l’instant, l’Europe n’a quasiment pas d’argent pour mener ces politiques. Bientôt 70 ans après le traité de Rome, nous n’avons accepté de mettre en commun que 1% de la richesse que nous produisons chaque année. Quarante fois moins qu’au sein de chacun de nos Etats et plus de vingt fois moins que le budget de l’Etat fédéral aux Etats Unis. Et à chaque fois qu’on rediscute de ce budget, la seule question qui vaille est de savoir comment le diminuer.
De plus, contrairement aux Etats membres, l’UE n’a pas le droit de s’endetter. On avait fait une exception en 2020 en empruntant en commun 750 milliards d’euros pour faire face à la pandémie de COVID-19 et à ses conséquences. Mais depuis, impossible de renouveler l’exercice, même face à la guerre d’agression russe et à la menace qu‘elle fait peser sur toute l’Europe.
Avec le programme SAFE qui vient d’être lancé, l’Union vient certes de s’endetter à nouveau à hauteur de 150 milliards d’euros. Mais, contrairement à Next Generation EU, cet argent servira uniquement à accorder des prêts aux Etats membres qui le demanderont. Autrement dit, ce ne sera pas vraiment de l’argent supplémentaire injecté dans la défense européenne par l’Union.
Handicap supplémentaire : l’Union Européenne ne dispose pour l’instant de quasiment aucune source de financement sur laquelle elle puisse décider seule d’agir. Ses ressources ne proviennent pour l’essentiel que de transferts des Etats membres et doivent donc impérativement être négociés avec eux.
Pour rembourser l’emprunt de 750 milliards d’euros, il avait été décidé en 2020 de doter l’Union de nouvelles ressources propres et la Commission avait fait des propositions en ce sens. Mais depuis, celles-ci n’ont pas été adoptées. Si elles ne le sont pas d’ici 2028, il faudra amputer le budget de l’Union de quelques 20 milliards d’euros par an, 10 %, pour rembourser Next Generation EU. Catastrophique.
Mais pour l’instant, dans un contexte économique dégradé où l’extrême-droite donne partout le la, rien n’indique qu’on puisse augmenter sensiblement le budget européen, doter l’Union de ressources propres correspondant aux besoins ni s’endetter de nouveau en commun à des niveaux significatifs.
Si un tel pronostic devait se confirmer, il ne faudrait pas s’étonner que notre retard technologique continue de s’aggraver, que l’Europe continue d’être ectoplasmique sur la scène géopolitique mondiale et que Vladimir Poutine finisse par parvenir à nous diviser et à nous subjuguer…