Décryptage

Une Union toujours plus différenciée

Une version originale de cet article a été publiée dans Vanguardia Dossier n°91, avril-juin 2024

Citer cet article

Maillard, S. « Une Union toujours plus différenciée », Décryptage, Institut Jacques Delors, avril 2024


L’Union et ses différents niveaux d’intégration, un processus d’élargissement graduel, l’association avec des pays tiers et l’apparition de nouveaux formats de coopération, dessinent une mosaïque de plus en plus complexe et mouvante des relations entre pays du continent.

Le débat sur le projet européen oppose depuis toujours l’élargissement à l’approfondissement. Entre accueillir le plus grand nombre de pays du continent dans l’Union européenne ou partager voire transférer un nombre croissant de compétences à cet échelon, dans le respect de la subsidiarité, il faudrait choisir. Le Royaume-Uni, d’avant le Brexit, et la France, avant la guerre en Ukraine, ont longtemps incarné cet antagonisme, le premier encourageant l’entrée de nouveaux États membres quand Paris lançait de nouvelles idées d’intégration et s’inquiétait, au sujet de l’élargissement, d’une fuite en avant préjudiciable au projet européen. L’Union sans cesse plus large versus l’Union sans cesse plus étroite, en somme. Et si à l’avenir, en pratique, l’Union devenait sans cesse plus différenciée ?

Historiquement, la différenciation est consubstantielle à la construction européenne. Elle permet aux plus motivés à ouvrir la voie d’intégration, qui fut longtemps l’approche de l’Allemagne et de la Franche. Elle laisse aux autres la possibilité de s’en tenir respectueusement à l’écart tout en demeurant dans l’Union, position traditionnelle des pays du Nord. Ceux d’Europe centrale et orientale, en revanche, redoutent instinctivement que ces distinctions de niveaux d’intégration ne les repoussent en États membres de second rang. Mais ces trois types d’approches se sont avec le temps estompées.