Vers la COP30 ou l’Europe, entre lucidité et responsabilité
Infolettre novembre 2025

À l’approche de la COP30 qui ouvrira dans quelques jours à Belém, au Brésil, le débat climatique semble pris dans une étrange dualité : une conscience collective de plus en plus aiguë de l’urgence, et un sentiment d’une lassitude politique croissante face à la transition qu’elle exige. Pourtant, les chiffres et les faits méritent d’être rappelés : le monde avance — lentement, imparfaitement, mais dans la bonne direction.
En 2015, au moment de l’Accord de Paris, la trajectoire mondiale d’émissions nous menait vers un réchauffement supérieur à 4,5°C. Aujourd’hui, selon les dernières évaluations agrégées des contributions nationales, cette trajectoire se situe autour de 2,5°C. C’est encore trop, mais c’est un progrès colossal à l’échelle d’une décennie. La politique climatique, longtemps considérée comme incantatoire, produit désormais des effets mesurables. Ce message, paradoxalement, est rarement relayé : la narration dominante reste celle de l’échec, alors qu’il faudrait aussi souligner les dynamiques de transformation à l’œuvre.
L’Europe, à cet égard, conserve un rôle moteur. Mais elle n’est pas épargnée par la crise de confiance. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, le continent se réchauffe près de deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Il est donc essentiel de continuer à agir, voire d’accélérer : vivre, travailler et vieillir dans un climat européen à +3°C n’est une perspective enviable pour personne. La question n’est donc plus morale, mais stratégique : la transition que nous choisirons déterminera le futur économique et social de la jeunesse actuelle de notre continent, nos enfants, nos petits-enfants… Le défi est là : réconcilier urgence environnementale et réalité du quotidien, articuler la fin du mois et la fin du monde en remettant l’humain au centre de l’équation mais aussi en inventant des instruments permettant de concilier défis européens et climatique. C’est la proposition que font nos collègues de Berlin, Nils Redeker, Sander Tordoir et Lucas Guttenberg dans leur policy brief sur .
L’Union européenne, pionnière du Pacte vert, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Le cadre financier pluriannuel présenté en juillet par la Commission pourrait entraîner le recul des objectifs environnementaux : la nouvelle proposition de PAC comme le craint Sophia Caiati d’Europe Jacques Delors. De même, l’infographie proposée par Phuc-Vinh Nguyen sur la refonte du marché carbone, « ETS2 – Carburant pour les gilets jaunes ou moteur de la transition verte? », éclaire la problématique. Les États membres, dans leurs conclusions récentes du Conseil européen, ont d’ailleurs exprimé leurs inquiétudes quant à l’impact social potentiel de ce nouvel instrument. C’est pourtant en mobilisant intelligemment les revenus du carbone — pour financer la rénovation énergétique, accompagner les ménages, soutenir l’innovation — que l’Union pourra montrer que l’écologie et la compétitivité peuvent aller de pair.
Car derrière les débats techniques se joue un enjeu de leadership mondial. Lorsque les États-Unis s’étaient temporairement retirés, une première fois de l’Accord de Paris en 2018, l’Europe avait su maintenir le cap et préserver l’élan collectif. Aujourd’hui, ce rôle est fragilisé : les tergiversations sur la trajectoire 2050, la lenteur des négociations internes, ou encore la peur de l’impopularité climatique affaiblissent le signal envoyé à l’international. Or, sans Europe, l’ambition mondiale se dilue, et la Chine, en embuscade, impose ses propres standards énergétiques et technologiques.
A Belem et après, la responsabilité européenne n’est donc pas seulement environnementale : elle est politique. Elle consiste à prouver qu’une démocratie peut conduire la transition sans renoncer à la justice sociale ni à la croissance, accompagner cette transition partout où cela est nécessaire, en Europe et dans le reste du monde et fédérer toutes les bonnes volontés autour du président brésilien à la manœuvre ici et au-delà. Dans un monde où le multilatéralisme se résume à un concept toujours plus abstrait, le succès de la COP30 dépendra pour beaucoup de la capacité des Européens à maintenir ce cap — avec réalisme, mais sans renoncement. La bonne nouvelle, c’est que les citoyens y croient encore. À nous, collectivement, de leur donner des raisons d’espérer.
Bonne lecture de notre infolettre du mois de novembre. Vous y retrouverez également le blogpost de Bertrand de Cordoue sur les « Fracture numérique dans l’armement : une chance pour l’Europe ? » et le décryptage de Jules Bigot sur « De Budapest à Minsk : les leçons à tirer des négociations avec la Russie ».



