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Penser l’Europe Unie avec Beethoven

Pourquoi le compositeur, dont cette année marque le 250e anniversaire de la naissance, est-il
un symbole et un catalyseur de l’unité européenne, au-delà de son Ode à la Joie ?

Par Bernard Fournier,
musicologue, auteur de Le Génie de Beethoven (éd. Fayard, 2016)

Préface de Sébastien Maillard

Introduction

Aussi universelle soit la portée de leur message, les grands artistes européens des XIXe et XXe siècles sont étroitement associés à la culture et à l’esprit d’un Etat-nation. Au XIXe, c’est le cas des principaux romanciers français, Balzac ou Hugo, Flaubert ou Zola ; c’est celui des Allemands, qu’il s’agisse de Goethe ou de Schiller. Au XXe siècle, Proust s’affiche comme un romancier essentiellement français et Musil ou Schnitzer, comme des écrivains autrichiens. Si Stefan Zweig s’affirma comme un des premiers grands artistes européens, ce fut après une jeunesse pleinement viennoise ; et européen, il le devint sous l’effet de traumatismes historiques, la guerre de 14 et les débuts du nazisme. Il en fut de même en Allemagne pour Thomas Mann et en France, mais à un moindre degré, pour Romain Rolland. On peut faire le même constat pour les musiciens : Schubert est viennois, Schumann allemand, Berlioz français, Verdi italien, Smetana tchèque, Bartok hongrois et Szymanowski polonais. On brosserait le même tableau pour les compositeurs du XXe siècle. Ayant émigré, certains montrent une ambivalence nationale, tout comme avait pu le faire, mais pour d’autres raisons, Goethe par exemple tiraillé entre l’Allemagne et l’Italie.

En tout cas, s’il est un artiste qui échappe à toute polarisation nationale, c’est bien Beethoven et, hormis l’atemporalité et l’universalité de sa pensée qui lui permettent encore aujourd’hui de s’adresser au monde en entier, il est le compositeur qu’il faut désigner comme symbole de l’unité européenne dans sa diversité.

Il est d’ailleurs tout à fait pertinent et parfaitement logique que l’Ode à la Joie de la IXe Symphonie ait été proposé dès 1955 comme hymne européen, qu’il devient officiellement en 1985, sans paroles1. De multiples raisons liées tant à la personnalité de Beethoven, écartelée entre des tendances contradictoires, qu’à sa conception de la musique intégrant des éléments de différente nature, concourent à lui donner ce statut de grand européen susceptible de canaliser les énergies et les pensées de toute la population européenne dans sa diversité et en dehors de toute idéologie. Ces raisons, la réflexion qui suit en aborde les principales, en partant des plus extérieures – son origine familiale, son mode de vie, le contexte historique – pour aller jusqu’aux plus intérieures – le cœur sensible de sa musique.

En dehors des éléments qui rattachent le plus directement Beethoven – l’homme et l’œuvre – à l’Europe, nous nous intéresserons aux valeurs humanistes que portent sa musique et qui sont en harmonie avec le projet européen. Celui-ci vise notamment à affermir la paix entre les peuples qui en forment la communauté, à en promouvoir la solidarité mutuelle, à faire respecter la dignité humaine, à faire rayonner la multiplicité
des cultures de chaque nation, à défendre les valeurs de liberté, de justice, de tolérance, leur attachement aux droits de l’Homme, à ceux des minorités, etc., ce en quoi le projet européen rejoint, nonobstant la distance temporelle, l’idéal de fraternité qui a été celui de Beethoven.

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