Policy Paper 129
Cameron : coup de poker sur l’Europe
Alors que le parlement anglais vient d’être dissous, Alain Dauvergne analyse l’importance de ce scrutin pour l’UE. En effet, Cameron s’est engagé à organiser avant fin 2017 un referendum sur le maintien ou non de son pays dans l’UE.
Alors que le parlement britannique vient d’être dissous, marquant ainsi le lancement officiel de la campagne pour les élections législatives, Alain Dauvergne analyse l’importance de ce scrutin pour l’UE.
En effet, dans un discours prononcé le 23 janvier 2013, David Cameron s’est engagé, s’il reste le premier ministre britannique après les élections législatives du 7 mai prochain, à organiser avant la fin de 2017 un referendum dont l’enjeu sera le maintien ou la sortie de son pays de l’Union européenne.
En raison de cet engagement public, la consultation du 7 mai 2015 revêtira une dimension qui, au-delà de l’importance politique nationale, va directement concerner l’Union européenne (UE) et l’ensemble des vingt-sept partenaires du Royaume-Uni.
Par cette promesse, le premier ministre a essentiellement voulu freiner ou réduire l’élan du UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni) :
– qui milite pour que le Royaume-Uni quitte l’UE,
– dont les résultats électoraux sont en progression continue,
– et que les sondages créditent de quelque 16% des suffrages.
Dans l’hypothèse où se tiendrait cet éventuel referendum, Cameron entend faire campagne pour le maintien de Londres dans l’UE, à condition d’obtenir au préalable un aménagement des textes européens qui correspondrait, de fait, à un statut spécial pour le Royaume-Uni. La négociation qu’il entend engager dans cette perspective porterait notamment sur :
– la libre circulation des personnes en Europe, en particulier concernant les droits sociaux des migrants,
– les relations des États qui n’ont pas adopté l’euro avec les membres de la zone euro,
– l’abandon de l’objectif affiché par les traités d’une « union toujours plus étroite entre les peuples européens ».
Bien qu’il puisse espérer trouver quelques alliés sur certains des points qu’il soulève, la négociation sera difficile, voire périlleuse, pour Cameron. Car, de son propre aveu, les changements qu’il réclame nécessiteraient une modification des traités existants. Or il faut, pour cela, l’accord unanime des vingt-huit États membres. Une gageure.
La victoire des conservateurs, le 7 mai prochain, n’est pas assurée. Loin s’en faut : le parti travailliste est actuellement dans les sondages au même niveau que les conservateurs, voire légèrement devant eux. Et la progression du UKIP – qui rogne sur les deux grands partis – est susceptible de modifier la donne.
Si la victoire revenait au Labour, le referendum n’aurait pas lieu : le leader travailliste Ed Miliband a dit qu’il ne l’envisageait pas, à moins de nouveaux transferts de compétence à l’UE. Cameron, en revanche, ne pourra plus reculer s’il reste au 10 Downing Street. Et s’il y songeait, Ukip, ferait tout pour l’en empêcher. Mais le pari politique qu’il s’apprête à engager a tout du coup de poker : même s’ils souhaitent le maintien de Londres dans l’Union, ses partenaires ne sont pas prêts à de grandes concessions. Et les réticences viennent également, de façon explicite, de Washington.
Le « Brexit » – contraction de British exit – n’est pas du tout sûr. Mais il est possible. Et ceci constitue un enjeu capital pour l’Europe.