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Défense européenne, Otan, Ukraine : quelques points sur quelques « i »

Série : face à la guerre  (1/4)

Citer cet article :
Gnesotto, N. 2023. «Défense européenne, Otan, Ukraine : quelques points sur quelques « i »», Blogpost, Paris: Institut Jacques Delors, 15 février.


L’invasion russe de l’Ukraine suscite une cascade de chocs violents au sein de l’UE : fin de l’illusion commerciale comme facteur de paix universelle ; prise de conscience que la géopolitique n’est pas une vieille lune du siècle passé mais une exigence vitale où les États sont en première ligne ; chamboulement de toutes les règles structurelles, qu’il s’agisse de la suspension du pacte de stabilité ou de l’accélération extraordinaire des processus d’élargissements, etc. Bref, un autre monde émerge, dans lequel une autre UE doit être vite repensée.

Dans ce bouleversement global de l’UE, les plus optimistes veulent croire que le réarmement spectaculaire décidé par l’ensemble des États membres depuis le 24 février 2022 est de bonne augure pour l’avenir de la politique de défense commune de l’UE. Les pessimistes s’alarment au contraire d’une nouvelle politique allemande de réarmement jugée en contradiction avec les engagements précédents de Berlin en faveur de la défense européenne. Qu’en est-il exactement ?

Nous vivons en Europe un moment atlantique : la guerre en Ukraine consacre plus que jamais l’Otan, et donc les États-Unis comme les acteurs majeurs de la défense de l’Europe: tous les États membres se réarment dans l’Otan ; la Suède et la Finlande veulent entrer dans cette Alliance atlantique le plus vite possible. Et ils ont raison. À l’heure de la folie poutinienne, on voit mal ce qui pourrait rassurer et défendre, si nécessaire, les Baltes, la Pologne ou la Roumanie. On peut le regretter ou applaudir à cette consécration atlantique, elle est en tout cas la seule réalité stratégique de l’heure.

Est-ce à dire qu’il faille abandonner tout projet stratégique pour l’UE ? Certainement pas, mais encore faut-il ne pas se tromper de calendrier. Aujourd’hui, consolider l’Otan est une nécessité stratégique. Mais demain, il est possible que le moteur de la défense européenne soit relancé par le protecteur américain lui-même. Deux scénarios doivent en effet être pris en considération : une victoire des Trumpistes en 2024, qui renonceraient à s’investir davantage dans la sécurité de l’Europe d’une part ; une autre crise majeure, avec la Chine notamment, qui amènerait l’administration américaine à choisir le front asiatique au détriment du front européen. Qui d’autre que l’Europe pourrait alors agir en faveur de la défense de l’Europe ?

Quant à l’Allemagne, dont le réarmement est effectivement spectaculaire, avait-t-elle d’autre choix que d’acheter américain ? Pouvait-elle acheter des Rafale, alors que la dissuasion américaine ne peut être incarnée que par des missiles portés des F-35 ? Lui reprocher ses choix relève de l’ignorance ou de la mauvaise foi. Pouvait-elle risquer une consolidation de la défense anti-missiles sans passer par des systèmes américains ? Que l’industrie américaine d’armements soit la grande bénéficiaire du réarmement européen est aussi regrettable qu’inévitable. Pour conforter toutefois un avenir à l’ambition stratégique de l’UE, ne faudrait-il pas plutôt proposer une coordination entre la loi de programmation militaire française et le document de défense que l’Allemagne est en train d’écrire ? Ne conviendrait-il pas d’élaborer une stratégie militaire franco-allemande, puis européenne, à l’égard de la guerre en Ukraine, plutôt que d’avancer dans le flou de la politique américaine de défense ?

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