Policy Paper 131
La conditionnalité macro-économique, l’histoire d’une triple peine pour les régions
Marjorie Jouen s’interroge sur le véritable but de la conditionnalité macro-économique, c’est-à-dire le lien entre l’efficacité des Fonds européens structurels et d’investissement (FESI) et une bonne gouvernance économique.
Malgré l’opposition constante des autorités locales et régionales (ALR) et des appréciations diverses de la part des gouvernements nationaux, le lien entre l’efficacité des Fonds européens structurels et d’investissement (FESI) et une bonne gouvernance économique, autrement dit la conditionnalité macro-économique, a été introduit dans la réglementation 2014-2020 pour les FESI.
La critique de ce lien s’appuyait sur la ferme conviction et un argumentaire documenté selon lesquels ce nouveau dispositif imposerait une double sanction injuste aux autorités locales et régionales, qui n’étaient pas responsables des déficits publics nationaux excessifs, puisque la plupart d’entre elles sont constitutionnellement tenues d’équilibrer leurs budgets.
Premièrement, les sanctions liées aux déficits risquent de rendre encore pire la situation budgétaire dans les États membres concernés. Dans la mesure où les transferts courants et en capital en provenance des autorités nationales sont des sources cruciales de revenus pour les ALR, toute décision de réduction déstabilisera leurs budgets et mettra en péril leur capacité à contribuer à l’effort public d’investissement. Deuxièmement, une suspension des paiements et/ou des engagements sur le FEDER ou le FSE ne perturbera pas seulement la programmation financière au niveau du programme mais pourra aussi conduire à stopper les projets sur le terrain.
La Commission a récemment adopté les lignes directrices pour mettre en œuvre les mesures établissant un lien entre l’efficacité des FESI et une bonne gouvernance économique. Entre autre, la communication détaille le contenu des modalités de reprogrammation, qui pourrait être centralisée au niveau national ou européen, et impose ainsi une troisième sanction sur les ALR.
Alors que le débat s’ouvre à nouveau au Parlement européen et que d’autres institutions européennes sont appelées à discuter de la communication de la Commission, le véritable but de la conditionnalité macro-économique doit être interrogé. Vise-t-elle à garantir la bonne gouvernance économique ou plutôt à se prémunir contre la gouvernance à multi-niveaux ?
Pour répondre à la question, le présent Policy paper revient sur les raisons qui ont conduit à mettre en place cette conditionnalité et sur les trois principales critiques qu’elle soulève :
– La première partie présente l’ensemble des conditions imposées aux FESI dans le but d’améliorer la qualité de la dépense publique européenne et la spécificité de la conditionnalité macro-économique dont l’existence est directement liée à la crise de la zone euro.
– La deuxième partie explore le caractère inapproprié de la liaison entre les déficits publics excessifs nationaux et la gestion des FESI.
– La troisième partie analyse le risque que les menaces de suspension des paiements font peser sur les économies et les investissements locaux et régionaux.
– La quatrième partie questionne l’efficacité de la reprogrammation comme méthode visant à donner à la politique de cohésion un rôle contra-cyclique.