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L’Allemagne et l’Europe : nouvelle donne ou déjà vu?

Nul besoin de sonder longuement l’histoire pour constater que, avant même la deuxième Guerre Mondiale, l’Allemagne (comme partie d’un tout) et l’Europe ont toujours entretenu une relation particulièrement étroite et singulière mais, néanmoins, en partie ambivalente. Et lorsqu’on revient aux origines de l’intégration européenne, l’Allemagne occupe déjà une place particulière : Wolf Lepenies, dans son livre fascinant qui lui a valut le « prix de la paix » des librairies allemandes, décrit ainsi la « singularité allemande » comme étant une « tradition européenne ». Dans le papier de Schäuble-Lamers sur le « noyau de l’Europe », publié en 1994 et abondamment cité encore aujourd’hui, on peut lire : « L’Allemagne est effectivement plus grande et plus forte que chacun de ses voisins pris isolément, mais elle n’est ni plus grande ni plus forte que ses voisins lorsqu’ils sont réunis. » Le leitmotiv de l’intégration européenne fut longtemps de lier l’Allemagne au destin de l’Europe, afin d’empêcher toute relance d’un projet d’hégémonie allemande sur le continent européen, et d’assurer ainsi une paix durable.

Cet objectif a été finalement atteint : pendant des décennies, l’Allemagne, le plus grand pays du continent européen, fut le seul des grands de la Communauté puis de l’Union européenne à s’enthousiasmer pour l’intégration. La France et la Grande-Bretagne, bien que fondamentalement différentes l’une de l’autre, sont – il est vrai – de grandes nations elles aussi, mais, chacunes à leur manière, ne partagent pas l’enthousiasme de l’Allemagne à l’égard de l’intégration européenne (autrement dit, bien qu’elle ait toujours soutenu fermement l’Europe, la France n’a jamais – au contraire de l’Allemagne – adhéré complètement à son système supranational). Certes, l’Italie partage l’enthousiasme allemand pour l’intégration et adhère au principe supranational, mais elle n’est pas (tout à fait) aussi grande que l’Allemagne. Parce qu’elle est, à la fois la plus grande nation européenne et la plus favorable à l’intégration, l’Allemagne occupe depuis longtemps une place particulière au sein de l’Union.