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Pour une « Commission de l’élargissement » face aux défis qui cernent l’Union européenne
Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion
Le projet européen est né d’une promesse : celle d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » afin d’assurer la paix. De la réalisation de cet élargissement à tous les peuples du continent, promesse réitérée auprès des pays des Balkans occidentaux au début du siècle et plus récemment auprès de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie, dépendent donc la crédibilité, et in fine, la survie de l’Union européenne. « [L]’Europe sera européenne ou ne sera rien » en concluait déjà Jacques Delors devant le Parlement européen en 1989.
Or, jamais l’UE n’avait attendu aussi longtemps pour s’élargir depuis le tout premier élargissement. Plus de 11 ans après la dernière adhésion, la Commission européenne qui prendra prochainement ses fonctions se doit donc d’être une « Commission de l’élargissement » apte à préparer l’adhésion de nouveaux États membres au plus tard à la fin de son mandat. Il en va non seulement de la réalisation du projet européen, mais également de la capacité de l’UE à faire face aux défis qui la cernent.
À ce titre, les incertitudes qui entourent à raison le(s) futur(s) élargissement(s) ne doivent en aucun cas éclipser les risques d’un non-élargissement. Échouer à intégrer l’Ukraine reviendrait ainsi à laisser Vladimir Poutine décider de nos frontières. Pis encore, si cet échec résultait d’une défaite militaire ukrainienne rendue possible par un soutien européen défaillant, la capacité même de l’UE à assurer la paix continentale — et donc sa propre sécurité — serait remise en question.
Dans les Balkans occidentaux, région qui comprend les candidats les plus anciens, ce coût de la non-adhésion se fait déjà ressentir : manque de motivation pour la réalisation des réformes nécessaires à l’adhésion, montée des ethno-nationalismes, du révisionnisme et du négationnisme, corruption endémique, concurrence du projet européen par des influences rivales, voire flambée de violence sur le terrain, comme lors de la récente attaque de Banjska au Kosovo.
Une dynamique à amplifier
Les progrès attendus sous peu pour les candidatures albanaise et monténégrine, et globalement la relance de l’élargissement sous la pression géopolitique, sont donc porteurs d’une dynamique à amplifier pour assurer à l’UE la maîtrise de l’agenda et du récit dans ses États membres en devenir. Telle doit être la tâche de la nouvelle Commission européenne, et en particulier de la commissaire désignée à l’Élargissement, Marta Kos.
L’architecture de la Commission menée à nouveau par Ursula von der Leyen est à ce titre gage d’équilibre. Souvent dans l’ombre de la candidature ukrainienne, les Balkans occidentaux pourront trouver dans la commissaire slovène un appui, tandis que l’Ukraine ou la Moldavie verront également des partisans de leur cause occuper des postes-clés, comme l’estonienne Kaja Kallas en tant que Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ou le lituanien Andrius Kubilius à la Défense.
Une feuille de route claire, avec la fin du mandat pour cap, reposant sur l’intégration graduelle des pays candidats — méthode qu’elle s’est déjà appropriée — permettrait à la nouvelle Commission européenne de redonner sa crédibilité au processus d’élargissement et ainsi assurer à nouveau son succès. À la fin du mois, Ursula von der Leyen se rendra comme à chaque automne dans les Balkans occidentaux : espérons qu’elle y trace les premières lignes de cette feuille de route.