Réaction de Mark N. Franklin au texte d’Andrew Moravcsik sur le rejet du Traité constitutionnel

L’article d’Andrew Moravcsik, “What Can We Learn from the Collapse of the European Constitutional Project?” me semble répondre en tous points à ce que les politologues empiristes pouvaient attendre du comportement de citoyens confrontés à un débat quasi-constitutionnel. Il aurait pu étayer son argument en prenant à témoin les enquêtes statistiques (par exemple Schmitt and Thomassen 1999; Gabel 1998; van der Eijk and Franklin 1996). L’apport décisif des sondages à l’argument de Moravcsik est que les votants ne sont pas si bêtes. Ils seraient même capables d’identifier un vrai débat sur un sujet susceptible d’affecter leurs vies de manière appréciable. Et ils agissent comme s’ils s’y connaissaient en matière de faux débats. Comme le rappelle Moravcsik, l’Europe a déjà une constitution en tout sauf en nom, et le remplacement qu’on lui propose n’aurait eu que peu d’effet sur la vie des votants. S’il en avait été autrement (et si on leur en avait fourni assez d’indications), ils s’en seraient rendu compte et auraient pris la peine de s’informer suffisamment pour peser sur la décision. En la circonstance, ils avaient affaire à une non-décision et la plupart d’entre eux ont réagi fort rationnellement en s’en désintéressant complètement – laissant par-là le champ libre aux extrémistes des deux bords, comme le souligne aussi Moravcsik.
Ma seule objection concerne l’affirmation de Moravcsik selon laquelle les efforts pour mobiliser le public et provoquer un débat public autour du projet de Constitution n’étaient autres que de la poudre aux yeux – ne différant en rien d’autres tentatives des décideurs à se montrer ouverts et transparents. Les procédés utilisés précédemment pour l’élaboration du Traité de Rome avaient été dénoncés pour n’avoir pas cherché l’engagement avec le public. On peut faire valoir que la publicité faite au projet de Constitution européenne n’était rien d’autre qu’une réponse à cette critique.