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02/10/06

Réaction de Pepper D. Culpepper et Archon Fung au texte d’Andrew Moravcsik sur le rejet du traité constitutionnel

Une argumentation clairement raisonnée, même lorsqu’elle est complètement erronée, est toujours la bienvenue dans le cadre du débat sur la crise présumée de la démocratie au sein de l’Union Européenne. La récente contribution d’Andrew Moravcsik est certainement bien argumentée, et nous partageons de tout cœur son rejet de la récente Constitution Européenne en tant que projet juridique motivé avant tout par des raisons de relations publiques. Ses leçons, sur ce que l’on peut apprendre de cette débâcle, sont cependant discutables. Nous nous interrogerons sur deux éléments centraux en particulier : son fondement dans les sciences politiques empiriques et les implications de ces constatations pour les questions de démocratie.

L’argumentation concise de Moravcsik est exposée en cinq points successifs ayant un rapport étroit les uns aux autres. Premièrement, la majeure partie de ce que l’UE fait est technique : son domaine couvre des secteurs tels que le commerce, la réglementation industrielle, la politique agricole et la politique étrangère (p. 225). Ces questions sont l’apanage d’experts. Les États-nations sont, tout comme l’UE, susceptibles de gouverner en déléguant, pour les questions relatives à ces secteurs, leur autorité à des organismes techniques tels que les banques centrales pour ce qui est de la politique monétaire. Deuxièmement, l’élaboration des politiques de l’UE est relativement efficace et légitime ; elle est « plus transparente que l’élaboration des politiques nationales, moins corrompue et tout aussi responsable » (p. 236). Troisièmement, une plus grande participation et réflexion publiques sont impossibles. Même si les opportunités pour engager les citoyens étaient plus nombreuses, les citoyens ne participeraient pas de manière importante parce que l’UE aborde des questions qui « sont beaucoup moins pertinentes» pour les électeurs que les questions qui se posent dans le cadre des politiques nationales (p.225). Quatrièmement, si les citoyens participaient, la politique de l’UE serait moins efficace parce que les citoyens n’auraient pas la motivation de s’informer, parce que « les électeurs moyens estiment que les questions dont s’occupe l’UE sont relativement obscures, [donc] ils ne sont pas vraiment motivés pour en débattre ou en décider» (p. 226). Finalement, même si c’était possible, une participation et une réflexion publiques accrues n’amélioreraient ni la légitimité démocratique des institutions européennes ni la confiance populaire dans ces mêmes institutions. Moravcsik souligne que la confiance publique dans des institutions à faible participation tels que l’armée ou la police est plus élevée que la confiance dans les partis politiques (p. 234).