Les travaux pratiques de la Commission pour soutenir la compétitivité de l’industrie européenne

La Commission européenne présente sa feuille de route pour renforcer la compétitivité de l’économie. Le Vieux continent n’a pas le choix s’il veut éviter d'accentuer son décrochage par rapport aux États-Unis.

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Les travaux pratiques de la Commission pour soutenir la compétitivité de l’industrie européenne
La Commission européenne a présenté sa feuille de route dédiée à la compétitivité le 29 janvier.

En septembre, le rapport rédigé par Mario Draghi qui soulignait le décrochage alarmant de l’économie européenne par rapport aux États-Unis et à la Chine, a fait couler beaucoup d’encre dans les capitales européennes. Quatre mois plus tard, la Commission européenne a présenté ce 29 janvier sa propre traduction du travail de l’ancien banquier central, et ce qu’elle compte retenir de ses propositions, dans sa feuille de route baptisée «boussole pour la compétitivité».

Le résultat ? La Commission compte lancer pas moins de 38 plans sectoriels et paquets législatifs différents, d’ici à la fin 2026. «Le résumé est compétitivité, compétitivité, compétitivité. Nous devons placer la compétitivité dans chaque initiative que nous présentons et dans chaque euro dépensé», simplifie Stéphane Séjourné, le commissaire à la prospérité industrielle. C’est peu dire que le chantier s’annonce lourd. «L’Europe a un réservoir de compétitivité important si elle va vers plus d’harmonisation de son marché et de mutualisation des capacités. Les mesures sont connues depuis longtemps, il faut que les Européens sautent le pas. Avec le retour de Donald Trump, ils ont toutes les raisons de changer de braquet», considère Elvire Fabry, chercheuse à l’institut Jacques Delors.

Une nouvelle catégorie pour les entreprises

Au total, la Commission a identifié trois piliers pour redresser sa compétitivité. La simplification de ses réglementations et de ses procédures, réclamée à cor et à cri par le patronat, figure en haut de la liste. Mais il s’agit aussi d’accélérer la capacité d’innovation des firmes européennes et de soutenir la transition de l’industrie vers la décarbonation. Le dernier chantier concerne la réduction des dépendances de l’économie européenne. «L'Union européenne maintient ses objectifs du pacte vert. Mais nous devons assurer une plus grande prévisibilité pour les technologies vertes», résume la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. «Les entreprises européennes nous ont envoyé un message clair, reconnait cette dernière. Nous devons réduire la bureaucratie».

Très attendue, une loi «omnibus» de simplification est annoncée pour le 26 février. Elle pourrait aboutir à détricoter une partie des contraintes réglementaires de la CSRD et de la taxonomie. En attendant, la Commission propose de constituer une nouvelle catégorie de «small mid-caps» destinées aux entreprises de taille intermédiaire. En effet, ses dernières sont trop grosses pour être considérées comme des PME sans pour autant avoir les moyens d’un grand groupe.

Environ 31000 entreprises pourraient ainsi bénéficier d’obligations réglementaires allégées, comme l’ont déjà les PME. Un vingt-huitième statut juridique – en plus des 27 existants dans chaque État-membre – devrait aussi être créé fin 2025 ou début 2026 pour faciliter l’implantation des entreprises innovantes dans plusieurs pays européens. De quoi «représenter un vrai game changer», vante la Commission dans sa communication d’une vingtaine de pages.

Un dialogue stratégique pour l'automobile et des plans sectoriels

Pour soutenir l’innovation des entreprises, la Commission entend aussi lancer une longue série de plans sectoriels. Elle prévoit de doter l’Europe d’ «usines à IA» à proximité de ses supercalculateurs – sept sites ont déjà été validés fin 2024 par Bruxelles - et de lancer une stratégie pour développer les nouveaux usages de l’IA pour l’industrie automobile, l’énergie ou la robotique. Bruxelles prévoit aussi de publier un plan pour soutenir le secteur spatial, la biotech, une stratégie pour le quantique – tout cela d’ici fin 2025 – et l’innovation dans les matériaux avancés en 2026.

En parallèle, d’autres plans sectoriels vont être déroulés, cette fois pour aider les secteurs traditionnels fragilisés à réussir leur décarbonation en cours. La Commission doit démarrer jeudi 30 janvier son «dialogue stratégique» avec l’industrie automobile. Avec pour objectif de déboucher sur des solutions concrètes pour les constructeurs et les équipementiers secoués par la concurrence chinoise et le repli des ventes en Europe. Un plan similaire devrait suivre pour la chimie et la sidérurgie au cours du premier semestre, selon l’exécutif européen.

Une réforme très attendue des marchés publics

Tout cela doit s’ajouter au plan pour l’industrie propre («clean industrial act») que la Commission a prévu de présenter le 26 février. Pour soutenir l’industrie, celui-ci prévoit d’accélérer les permis d’implantations d’usines, entre autres. Autre changement plus structurant : la Commission veut aussi «proposer une préférence européenne dans les marchés publics pour les secteurs critiques et les technologies» pour laquelle la France plaide depuis plusieurs mois. «Le nerf de la guerre pour les entreprises européennes est d’avoir des clients et du financement. Il faut absolument avancer vers un buy european act», salue Audrey Louail, la présidente de Croissance plus et PDG d’Ecritel.

La Commission européenne veut aussi pousser les Européens à davantage acheter en commun. Cela vaut pour les matières premières critiques, où elle veut instaurer une plateforme similaire à celle mise en place pour le gaz au début de la guerre en Ukraine. La même logique doit se développer dans le secteur de la défense, confronté en Europe à des «fragilités structurelles et des années de sous-investissement» et trop fragmenté.

Pas vraiment de quoi rassurer les industriels encore pour l’instant. «Le discours a évolué à Bruxelles. Mais il faut maintenant des actes et voir si cela va vraiment simplifier la vie de nos entreprises», tempère Alexandre Saubot, le président du lobby France industrie, «Si on nous enlève 15% des obligations de déclarations de la CSRD, cela ne répondra pas à l’urgence de l’industrie et ne nous rapprochera pas des standards internationaux. C’est la même chose sur les marchés publics : l’Europe ne doit pas avoir d’état d’âme à réserver ses appels d’offres aux achats européens lorsqu’ils mobilisent des financements publics, sans avoir besoin de pondérer des critères complexes. Faisons simple comme les autres grandes puissances mondiales». Pour les industriels, le contexte géopolitique avec l’arrivée de Donald Trump pousse en leur faveur.

L'investissement public tranché plus tard

De façon plus transversale, Bruxelles propose de simplifier et d’accélérer le cadre des aides d’État, qui permet aux États-membres de subventionner leurs secteurs industriels stratégiques, notamment avec les fameux projets importants d’intérêts communs (PIIEC). En contrepartie, il faudra renforcer la coordination des politiques industrielles nationales dans des domaines comme les médicaments critiques, les infrastructures énergétiques et l’intelligence artificielle, prévient la Commission. Elle cite aussi la nécessité de relancer l’union des marchés de capitaux – un vieux serpent de mer – pour renforcer les financements disponibles pour les entreprises et de renforcer le marché unique.

Mais pour l’instant, la Commission se garde de mentionner les moyens budgétaires qu’il faudra mobiliser, une discussion renvoyée au prochain cadre financier qui sera débattu en 2027…. Et encore. «Renforcer la compétitivité n’est pas une solution rapide», prévient l’exécutif européen, «beaucoup de mesures donneront des résultats à moyen terme et vont demander de la constance».

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