Le Conseil européen s’empare du concept de «sécurité économique»
Dans un dense paragraphe consacré à l’économie, les 27 Etats membres de l’UE insistent sur la nécessité de garantir la sécurité économique du Vieux continent, et ce dans un contexte de rivalité croissante entre les Etats-Unis et la Chine.
Compétitivité à long terme, productivité et approfondissement du marché unique sont autant de notions avec lesquelles les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne (UE) sont habitués à jongler lorsqu’ils passent par Bruxelles. Le Conseil européen du jeudi 29 et du vendredi 30 juin n’a pas fait exception à la règle. Mais un nouveau concept a émergé à la table des dirigeants : celui de la sécurité économique.
Dans leurs conclusions adoptées à l’issue d’une réunion aux airs de marathon (qui a à la fois traité du soutien à l’Ukraine, de la migration comme des relations extérieures de l’UE), les dirigeants soulignent ainsi « qu'il est nécessaire de renforcer la résilience et la sécurité économiques de l'Union afin de défendre les intérêts de l'Union au niveau mondial tout en préservant une économie ouverte ». En treize pages de conclusions, le mot « sécurité » apparaît vingt fois. Mais cette fois, en plus de la « sécurité alimentaire », la « cybersécurité » ou la « sécurité mondiale », la notion de « sécurité économique » fait donc son entrée dans le jargon si particulier du Conseil européen.
Une première à l’échelle d’un continent
La paternité de l’appellation revient à la Commission européenne, qui a dévoilé le 20 juin une stratégie inédite « sur la sécurité économique », justement, pour offrir une base de discussion aux chefs d’Etat et de gouvernement. Et selon la présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen, se doter d’une telle feuille de route est une première à l’échelle d’un continent. Le document vise à coordonner entre les Européens – Commission européenne, Etats membres et entreprises – l’évaluation des risques qui pèsent sur leur économie, dans un contexte de rivalité croissante entre les Etats-Unis et la Chine.
Parmi ces risques se trouve notamment celui d’une trop forte dépendance au reste du monde. Pour réduire le danger, les dirigeants avancent plusieurs pistes, parmi lesquelles l’adoption des propositions de règlement pour une industrie « zéro net » (ou « net zero industry act », NZIA) et de règlement sur les matières premières critiques, « avant la fin du cycle législatif actuel » (en sachant que les prochaines élections européennes seront organisées en juin 2024). Réduire la dépendance aux importations de terres rares cruciales pour la production de nombreuses technologies, comme les batteries ou les éoliennes, est en effet l’une des priorités actuelles de l’UE.
Focus sur les médicaments
Le Conseil européen réclame par ailleurs à la Commission européenne qu’elle propose une « initiative en vue de l'adoption de mesures urgentes pour assurer une production et une disponibilité suffisantes, en Europe, des médicaments et composants les plus critiques et pour diversifier les chaînes d'approvisionnement internationales ».
Pour Elvire Fabry, chercheuse à l'Institut Jacques-Delors, « de même qu’une politique industrielle européenne digne de ce nom est une nouvelle brique dans l’agenda européen, se doter d’une stratégie sur la sécurité économique, c’est un changement de doctrine pour une économie qui entend rester ouverte et alors que le contrôle des investissements ou des exportations relève traditionnellement des Etats ».
Les dirigeants se sont d’ores et déjà donné rendez-vous en octobre (le 6 en Espagne, puis le 26 à Bruxelles) pour deux réunions du Conseil européen qui leur permettront d’approfondir encore leurs réflexions autour de cet immense chantier du renforcement de leur politique industrielle et de la réduction de leurs dépendances stratégiques.