Autre document
Europe and Global Issues
Ce discours est un exposé de Jacques Delors à la Banque Mondiale, dans le cadre du Cycle de conférences qu’il a données aux Etats-Unis (26 mars-4 avril 2001).
Je vous remercie de m’avoir invité à échanger quelques idées avec vous, dans cette phase de mutation accélérée, et donc d’incertitudes, qui caractérise l’évolution du monde. Partant des problèmes auxquels doit faire face l’Union Européenne, je ne voudrais pas vous entraîner dans le débat important, mais intense, qui s’engage entre les pays européens sur leur avenir commun. Je vous propose donc de lier cette analyse du futur de l’Europe avec les formidables défis auxquels le monde est confronté. Car ce qui pourra être fait au niveau d’une grande région du monde peut contribuer, plus ou moins, à l’établissement d’un ensemble de règles et de pratiques destinés à rendre notre planète plus vivable, plus pacifique et faire que son développement soit plus soutenable.
C’est pourquoi, J’aborderai la question de l’élargissement de l’Union Européenne – le plus vaste et le plus difficile auquel elle a du faire face – à la lumière des préoccupations de ceux qui, comme vous, ont la charge de contribuer à la solution des « global issues ».
Pour en revenir au destin propre de l’Europe, ma thèse a toujours été, depuis dix ans, que l’élargissement était notre devoir impérieux, que nous le réaliserons, mais peut-être au détriment de ce que l’on appelle dans notre langage, l’approfondissement. Or, nous sommes un certain nombre à refuser une telle perspective et à vouloir faire fructifier l’héritage politique et culturel que nous ont transmis les pères de l’Europe, les Jean MONNET, Robert SCHUMAN, Konrad ADENAUER, Paul Henri SPAAK, Alcide de GASPERI… Ce qui implique qu’un groupe de pays aille de l’avant vers une forme d’union politique pour ceux qui le veulent et qui le peuvent. J’appelle cela « une avant-garde ». C’est, me semble-t-il, la seule voie permettant à l’Europe de ne pas se contenter de gérer une vague et précaire zone de libre échange, mais d’assumer sa part de responsabilités mondiales. Car si l’Union Européenne agît, consacre des ressources importantes à des objectifs mondiaux – tels que le développement, l’aide aux pays pauvres, l’action humanitaire – elle demeure, faute d’une pensée cohérente et d’une coopération approfondie entre ses membres, une sorte de « Gulliver enchaîné ».