Lire l’infolettre complète

Citer cet article
Matelly S. 2023. « ‘On ne tombe pas amoureux d’un grand marché’ et pourtant… », Infolettre, Paris : Institut Jacques Delors, octobre.

Cette phrase, souvent répétée par Jacques Delors, est aussi présente dans le discours qu’il prononce, le 17 janvier 1989 devant le Parlement européen où il ajoute dans ce même discours « L’Europe partenaire exige plus de cohésion, plus de sens des responsabilités, plus d’initiatives. L’Histoire frappe à notre porte. Allons-nous faire comme si nous étions sourds? ». A ce moment-là, le rideau de fer séparant l’Est et l’Ouest de l’Europe se fissure déjà, le mur de Berlin va tomber quelques semaines plus tard, posant à l’Union européenne, l’un des plus grands défis de son histoire, celui de l’élargissement. L’Acte unique vient de relancer le, projet d’un marché unique qui entrera en vigueur le 1 janvier 1993, c’est-à-dire un marché intérieur au sein duquel circuleraient librement, les personnes, les biens, les services et les capitaux. Moment clé s’il en est de la construction européenne.

L’Union européenne traverse certainement aujourd’hui à un moment tout aussi décisif. Face à la guerre à ses portes, aux tensions géopolitiques et aux évolutions en cours de la mondialisation, elle doit relever le défi des transitions énergétiques, numériques et sécuritaires, négocier un nouvel élargissement – dont les 27 vont débattre ce 6 octobre à Grenade -, devenir moins dépendante et plus résiliente et en même temps, renforcer ses institutions et le respect de l’état de droit, penser sa souveraineté et sa sécurité. Le Brexit puis la pandémie de Covid ou aujourd’hui la guerre démontrent que ce qui unit les Européens, par les liens étroits que le marché unique a créés peu à peu, est bien plus fort que ce qui les divise.

Alors qu’il vient de fêter 30 années d’existence de ce marché, il doit néanmoins s’adapter à la complexité actuelle et aux défis présents dans des domaines aussi variés que ceux de l’énergie, de la santé, de l’industrie, de l’innovation et de la défense et face à la rivalité sino-américaine et à l’émergence de nouvelles contestations à l’intérieur de l’Union européenne mais aussi dans son voisinage et dans le monde. La défense de nos valeurs européennes mais aussi l’affirmation de notre souveraineté doivent être au cœur de ces réflexions pour faire de notre grand marché un levier de puissance.

Conscient de cela, le Conseil européen a exprimé le souhait de recevoir, en mars 2024, un rapport de haut niveau sur l’avenir stratégique du marché unique. Mandaté pour ce rapport, qui servira pour la législature ouverte par les prochaines élections européennes au mois de juin, notre Président Enrico Letta s’est attelé à cette tâche. L’accompagner dans ce travail sera l’une des priorités de toute l’équipe de l’Institut, dont je suis ravie de prendre la direction, dans les semaines et les mois à venir. Pour que le marché intérieur ne rate pas son rendez-vous rien de moins qu’avec l’Histoire.

Sylvie Matelly 

Directrice de l’Institut Jacques Delors