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Introduction au débat sur l’avenir de l’Europe : pour un retour aux sources

Discours de Jacques Delors, Cinquantenaire des Traités de Rome, Sénat de Belgique, Bruxelles, 16 mars 2007.

Discours de Jacques Delors, Cinquantenaire des Traités de Rome, Sénat de Belgique, Bruxelles, 16 mars 2007.

Texte du discours

Je suis à la fois heureux et honoré d’être ici, au milieu des amis belges, élus du peuple et citoyens, pour commémorer le cinquantième anniversaire du Traité de Rome. Mon témoignage sur la Belgique en Europe est simple : chaque fois que dans mes diverses responsabilités, j’ai eu à tester la fidélité à l’esprit et aux finalités de la construction européenne, les responsables belges étaient toujours présents au rendez-vous.

Nous sommes réunis alors que la construction européenne traverse une phase critique et que l’on attendrait plutôt de chacun qu’il propose la solution miracle qui mettrait fin à la crise. Ce n’est malheureusement pas aussi simple que cela, sinon nos dirigeants n’auraient pas attendu les cérémonies qui vont se dérouler du 16 au 25 mars, dans toute l’Europe, pour trouver les clés de la relance.

J’ai souvent répété : « Il n’y a pas d’avenir sans mémoire ». Ce n’est pas une simple phrase alibi pour justifier les commémorations. C’est une vérité historique, comme le montrent toutes les déconvenues causées par des vues à court terme ou les refus de tenir compte des traditions ou, dans un esprit différent, des tragédies vécues et des erreurs commises.

D’où cette exigence de revoir ces cinquante années qui ne furent en rien un âge d’or, mais qui lancèrent une aventure unique dans l’histoire. La coopération entre des nations souveraines décidées à agir par des institutions communes et en illustration des valeurs portées par l’intégration européenne, la paix et le respect mutuel entre les peuples, la création d’une communauté de droit auquel chaque pays se soumet, la coopération croissante sur les terrains de la politique économique et sociale comme de la politique des relations extérieures.

Un historien de l’Europe, Bino OLIVI, a justement intitulé son ouvrage : « L’Europe difficile ». Combien a-t-il raison, car cela n’a jamais été aisé. Il faut en convaincre ceux qui, aujourd’hui, n’ayant pas connu ces années d’après-guerre, ont tendance à considérer cette émergence de l’Europe unie comme une vieille lune, une idée dépassée par les mutations intervenues depuis lors.

Souvent, a-t-on prédit la fin de l’aventure européenne. Et pourtant, elle tourne. Mais ce n’est pas l’histoire d’un long fleuve tranquille.

Il n’est pas donc pas inutile de rappeler ces années 50 et le Traité de Rome, ni d’illustrer ce socle commun grâce auquel nous pourrons, à nouveau, avancer.

Certes, rien n’est jamais acquis. Il y a toujours un petit diablotin dans l’histoire qui vient déchirer tout ou partie de l’oeuvre humaine. Prenons garde, par conséquent, aux conséquences d’un retour en arrière, d’autant plus insidieux, qu’il ne serait pas l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel du Conseil européen, mais plutôt la conséquence d’un laisser-aller douillet et coupable.