Policy Paper

Les biocarburants au péril de la sécurité alimentaire européenne ?

Avant d’engager le débat sur les propositions de réforme de la PAC, Notre Europe publie une série de diagnostics pour anticiper et comprendre le cadre de l’activité agricole après 2013. Josef Schmidhuber poursuit ici la réflexion proposée par Notre Europe sur les biocarburants et leurs bouleversements sur les marchés agricoles. Sa contribution explore notamment les effets de la production croissante de biocarburants sur la sécurité alimentaire.

Le choix des biocarburants pour l’agriculture relève du pari, tant par les promesses de gain, que par les risques encourus. Ce pari est tentant au point que certains qualifient les biocarburants de panacée : du point de vue des agriculteurs, ils multiplient les débouchés, font miroiter l’accès à un commerce plus lucratif ; du point de vue des pouvoirs publics, une amélioration du revenu des agriculteurs gr ce aux biocarburants diminuerait mécaniquement les besoins de soutien public à l’agriculture. Mais la conversion aux cultures énergétiques provoque aussi de profonds bouleversements des marchés agricoles : l’ancrage des prix agricoles aux prix très volatils des carburants fossiles favorise l’instabilité du marché et pose la question cruciale des effets sur la sécurité alimentaire. La production de biocarburants reste aussi discutée quant à ses effets sur l’environnement. Ainsi, un choix difficile et décisif se présente à l’Union : doit-elle encourager – y compris financièrement – la conversion d’une partie des terres agricoles aux cultures énergétiques ?

L’ambition du projet PAC 2013 de Notre Europe vise à réviser l’analyse de contexte  sur laquelle a été b tie la Politique Agricole Commune en 1957, avant de dégager des pistes de réforme. En effet, les paramètres et les enjeux de l’agriculture de l’après guerre ne sont plus ceux d’Aujourd’hui et moins encore ceux de l’après 2013, date d’échéance des perspectives financières. Et les biocarburants font éminemment partie des nouveaux enjeux qui structurent l’avenir agricole.

Le pari des biocarburants est effectivement tentant pour les Européens. Des prix mondiaux agricoles accrus par l’accroissement de la demande non alimentaire (en particulier pour les marchés du sucre, des oléagineux et des céréales) permettraient à la PAC de réduire ses droits de douanes ou ses aides sans que cela ne provoque l’abandon de terres. Faire le pari des biocarburants permettrait aussi à l’Union d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, mais l’amènerait à rompre avec d’autres principes fondateurs de sa politique agricole commune tels que la stabilisation des marchés, la garantie de la sécurité des approvisionnements, et l’assurance de prix raisonnables aux consommateurs. Faire le choix des biocarburants solliciterait par ailleurs les aides de la PAC pour encourager la conversion des terres à vocation alimentaire ou en jachère. Elle exigerait enfin que les pouvoirs publics développent des programmes d’incorporation obligatoire de biocarburants dans l’essence et le gazole.

En proposant d’étudier l’impact des biocarburants sur les marchés agricoles, Notre Europe touche au coeur de l’objectif du projet PAC 2013 : comprendre un nouveau paramètre dont l’impact est potentiellement révolutionnaire pour l’agriculture de demain. Au-delà des effets sur les prix agricoles, le revenu des agriculteurs ou même l’environnement, le développement des biocarburants porte en germe un changement de nature de l’activité agricole, la finalité n’étant plus de nourrir les hommes mais de produire de l’énergie. l’opposition parfois frontale de ces deux missions pose la question fondamentale des biocarburants : mettent-ils en péril la sécurité alimentaire ? Joseph Schmidhuber, économiste sénior de la FAO, s’attèle à cette question en montrant, loin des plaidoyers simplificateurs, que la réponse exige force nuance et précision.

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