Policy Paper 247

L’indépendance des banques centrales :
un concept caduc ?

Pierre Jaillet, économiste, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et professeur chargé de cours à IRIS sup.  analyse le rôle que les banques centrales doivent prendre dans le monde d’aujourd’hui et fait des propositions pour améliorer leur fonctionnement, leur communication et la façon dont leur rôle est perçu par le public.

Encensées après la crise pour leur rôle salvateur, leurs dirigeants parfois même portés au pinacle pour leur talent de communicant et de visionnaire, les banques centrales sont aujourd’hui sous le feu de critiques virulentes ; au point de devoir parfois endosser le rôle de bouc émissaire pour des politiques dont elles ont dû pallier les insuffisances. Sans doute ne méritent-elles « ni cet excès d’honneur, ni cette indignité ».
L’objet de ce Policy paper n’est pas de discuter des politiques mais de l’indépendance des banques centrales. Dotées à leur création d’une autonomie relative, compatible avec leur double fonction régalienne et financière, elles n’ont gagné leur indépendance formelle qu’à partir des années quatre-vingt. Cette évolution traduisait une volonté explicite des gouvernements de déléguer l’exercice de la politique monétaire à des agents préservés des aléas politiques, mieux à même d’assurer un ancrage nominal crédible. La généralisation des statuts d’indépendance n’est d’ailleurs pas dissociable de celle des politiques de ciblage de l’inflation. Ainsi, en quelques années, l’indépendance, sujet longtemps considéré comme peu pertinent, est devenue une norme institutionnelle consensuelle.
Cependant l’élargissement (de jure ou de facto) des responsabilités des banques centrales pendant et après la crise, et notamment leur rôle-pivot dans le domaine macroprudentiel, a fragilisé ce consensus et suscité de nouvelles interrogations : ces fonctions entrent-elles dans le cadre de leurs statuts et de leurs mandats ? Des institutions d’essence technocratique indépendantes peuvent-elles être légitimement associées à des décisions qui, au-delà de la stabilité financière stricto sensu, influencent l’allocation et la redistribution des revenus ou de la richesse ? Ne risquent-elles pas d’être entrainées vers de possibles conflits d’objectif, au détriment de leur objectif prioritaire de stabilité des prix ? N’y a-t-il pas, en fin de compte, abus de pouvoir ?
La question de légitimité ne se pose pas a priori pour ce qui concerne la politique monétaire, qui fait généralement l’objet d’un mandat explicite confié aux banques centrales par les autorités politiques ou par un traité. Cependant les politiques ultra-accommodantes conduites dix ans après la crise (et les stratégies qui les sous-tendent) font l’objet de controverses souvent virulentes et suscitent des réactions hostiles à l’encontre des banques centrales. Or une condition de leur indépendance effective (comme pour toute institution non démocratiquement élue) est de bénéficier, à défaut d’un soutien unanime, d’un relatif consensus sur leur légitimité, leurs objectifs et les moyens mis en œuvre pour les atteindre.
Au-delà de leurs obligations statutaires et d’une communication souvent très formatée, les banques centrales devraient donc aujourd’hui satisfaire à des exigences accrues de transparence et de responsabilité, plus en phase avec leurs responsabilités effectives. Cette note avance quelques propositions en ce sens.

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