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Promouvoir la paix n’est pas la même chose que combattre la guerre

Infolettre Décembre 2023

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Matelly S. « Promouvoir la paix n’est pas la même chose que combattre la guerre », Infolettre, Paris : Institut Jacques Delors, décembre 2023


L’intégration européenne – c’est presque banal que de le rappeler – a été incontestablement un moyen réussi pour promouvoir la paix. Elle s’est essentiellement appuyée sur l’économie avec l’idée que le développement et la prospérité éloigneraient la guerre. Beaucoup soulignent que cela n’a pas été associé et complété par une démarche d’intégration politique. C’est regrettable mais comme on ne réécrit jamais l’histoire, peut-être qu’un processus d’intégration politique entre pays ayant eu tels différents au cours de leur histoire n’aurait pas été possible ou tout le moins n’aurait pas produit les mêmes résultats. Toutes les initiatives en la matière ont d’ailleurs été semées d’embûches et vouées à l’échec !

Pour autant, force est de constater que promouvoir la paix n’est pas la même chose que combattre la guerre. La guerre en effet lorsqu’elle éclate est le plus souvent le fait d’acteurs qui, pour des raisons dont ils sont responsables ou pas, ont échoué à tirer parti des conditions de paix et des opportunités économiques associées. Constat regrettable, la violence est alors le moyen qu’ils choisissent pour tenter de rééquilibrer les rapports de force en leur faveur. Le commerce ne suffit plus, si tenté qu’il n’ait jamais suffi. La guerre n’est-elle pas d’abord la continuation de la politique par d’autres moyens?

La mondialisation économique est une autre illustration des limites de l’intégration économique et après 30 ans à croire que la fin de l’histoire pouvait signifier la victoire de la prospérité économique sur tout le reste, les inégalités, le changement climatique ou les guerres rattrapent tant la mondialisation que l’Union européenne. Du côté des Européens, ils se trouvent à la croisée des chemins, contraints de se projeter sur une démarche plus politique, voire géopolitique sur nombres de dossiers et de défis. C’est en résumé trop succinct ainsi que l’on peut résumer nos publications dont les deux rapports publiés par l’Institut Jacques Delors ce mois de novembre et qui illustrent parfaitement ces enjeux.

Le premier « L’UE et la Chine entre de-risking et coopération : scénarios à l’horizon 2035 », dirigé par Sylvie Bermann et Elvire Fabry, interroge la relation de l’UE à la Chine. Réunissant un groupe d’experts chargés d’explorer les scénarios de cette relation à l’horizon 2035, il a pour ambition d’identifier les facteurs d’évolution les plus déterminants de cette relation dans un monde global, conflictuel et de repli sur soi. Il met en évidence à la fois la complexité de ces évolutions et les défis qu’elles posent aux Européens et à l’Europe qui doivent impérativement se doter d’instruments leur permettant d’éviter que la rivalité systémique ne prenne le pas sur le partenariat et la concurrence et de placer l’UE en capacité de défendre les intérêts européens face à des acteurs géopolitiques déterminés.

La deuxième « L’Union de l’énergie 2.0 pour mettre en place le pacte vert européen », rédigée par Camille Defard, invite les Européens à renforcer la gouvernance, les financements, les instruments et la démocratie européenne afin d’assurer une mise en œuvre du Pacte vert européen. Cette Union de l’énergie 2.0 doit garantir un approvisionnement énergétique sûr, durable, compétitif et abordable aux consommateurs de l’UE tout en allant vers la neutralité carbone à l’horizon 2050 et alors que les multiples crises et conflits récents ont renforcé la nécessité, voire l’urgence de cette démarche pour préserver la sécurité des approvisionnements mais aussi la compétitivité européenne et la cohésion sociale face à un monde et un voisinage instables et conflictuels. L’Union européenne parviendra-t-elle à amorcer une intégration plus politique dans les années qui viennent afin de s’élargir sans se diluer et d’inscrire sa sécurité et sa prospérité dans une démarche choisie et maîtrisée plutôt qu’en réponse à des crises et conflits dans son voisinage ou des injonctions parfois contradictoires de pays alliés ?

Sylvie Matelly 

Directrice de l’Institut Jacques Delors

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