Rapport 220
Vers un droit individuel à la formation des adultes pour tous les européens
par Sofia Fernandes, Chercheuse Senior de l’Institut Jacques Delors (Paris) et Directrice de l’Académie Notre Europe, & Klervi Kerneïs, Assistante de recherche sur la politique du travail et des affaires sociales, Institut Jacques Delors (Paris), Avant-propos de Jacques Delors.
INFOGRAPHIE → Vers un droit individuel à la formation des adultes pour tous les Européens
Dès 1993, Jacques Delors décrivait l’apprentissage tout au long de la vie comme le « catalyseur d’une société en mutation » et en faisait une priorité de la Commission européenne et de l’UE en général. Plus de deux décennies plus tard, le Socle européen des droits sociaux, proclamé en 2017 sous la présidence de Jean-Claude Juncker à la Commission européenne, décrétait dans son tout premier principe le droit « [pour toute personne à] une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité ».
Aujourd’hui, alors que l’Union européenne traverse la plus grave crise de son existence, concrétiser ce principe n’a jamais été aussi urgent. L’augmentation du chômage et l’accélération des transitions – écologique et numérique – déjà à l’œuvre sur le marché du travail ont des conséquences majeures sur les travailleurs, leurs emplois et leurs compétences. Qu’ils aient besoin de conserver leurs compétences durant la crise, d’en acquérir de nouvelles pour trouver un emploi dans un secteur recherché, ou de tirer parti des dispositifs de chômage partiel pour se mettre à niveau ou augmenter leur employabilité, l’émergence d’une culture de l’apprentissage tout au long de la vie est un impératif. Celle-ci permettra aux Européens d’être plus résilients pour tirer profit des transformations à venir, et leur offrira de surcroît la possibilité d’en devenir les acteurs.
Ce rapport dresse un état des lieux de la formation des adultes dans l’UE et appelle à une initiative européenne pour favoriser la création d’un droit individuel à la formation des adultes dans chaque État membre, en établissant des comptes de formation individuels conformément à des lignes directrices européennes. Ces comptes de formation individuels pourraient renforcer la couverture et l’inclusion des systèmes de formation des adultes dans l’UE, contribuer à améliorer leur pertinence et leur qualité, et promouvoir une orientation tout au long de la vie. Comme ils ne représentent qu’une des pièces du puzzle au sein d’un écosystème bien plus large que constitue la formation des adultes, les comptes de formation individuels pourraient créer des synergies avec les programmes et fonds existants dans ce domaine, et engager pleinement toutes les parties prenantes concernées (par exemple les entreprises, les régions, les syndicats ou les services publics de l’emploi). Ce rapport souligne aussi l’importance de la protection des droits des travailleurs mobiles et propose que les comptes de formation individuels nationaux jettent les bases d’un futur compte de formation individuel européen.
Alors que la Commission européenne est sur le point de dévoiler début 2021 son plan d’action pour la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux, et que 2021 sera aussi l’année du Sommet social de Porto et d’une initiative de la Commission européenne sur les comptes de formation individuels, ce rapport vise à alimenter le débat sur les droits à la formation individuels afin qu’une action décisive puisse être prise au niveau européen afin de garantir la résilience des citoyens européens face aux transitions et mutations en cours sur le marché du travail.