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Conférence annuelle Institut Jacques Delors
Table-Ronde 1 : Quelles politiques pour une économie européennes prospère et soutenable ?
09/12/2024 – Sciences Po, Amphithéâtre Simone Veil
Modérateur : Phuc-Vinh Nguyen, Chef du Centre Énergie de l’Institut Jacques Delors
Phuc-Vinh Nguyen a ouvert la session en mettant en avant la nécessité urgente de repenser la compétitivité européenne à travers le prisme de la transition énergétique et de la soutenabilité économique. Selon lui, l’Europe doit jouer un rôle clé pour relever les défis environnementaux et géopolitiques qui se multiplient.
Interventions des participants :
Shiv Someshwar, Professeur associé à l’Université de Columbia (En vidéo)
Shiv Someshwar a présenté une approche basée sur l’« intérêt national éclairé », prônant un Green Deal global à l’horizon 2025 pour renforcer la neutralité carbone. Inspiré par les leçons de l’administration Trump, il a mis en garde contre la mentalité de « jeu à somme nulle », qui va à l’encontre du bien commun. Le marché carbone européen, aujourd’hui repris par d’autres régions du monde, a été cité comme un moteur d’innovation pour la décarbonation mondiale. Il a également plaidé pour l’organisation d’une rencontre internationale à Paris en 2025, afin de définir un agenda global de décarbonation, intégrant les besoins spécifiques des économies émergentes et en développement pour assurer une transition juste et inclusive.
Michal Kurtyka, Ancien ministre polonais du climat et président de la COP24
Michal Kurtyka a exprimé son inquiétude face à quatre risques majeurs. La guerre, maintenant présente sur la continent européen, qui détruit des facteurs de productions énergétiques et crible notre économie ; la dépendance énergétique, qui expose les Européens à des partenaires de moins en moins fiables ; la désunion, entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe centrale, souvent confrontées à des réalités différentes ; et la surrèglementation européenne également critiquée dans le rapport Draghi. Il a plaidé pour une autonomie énergétique accrue en réduisant la dépendance au gaz américain et aux panneaux solaires chinois, tout en explorant des solutions diversifiées comme le nucléaire. Cette autonomie énergétique est nécessaire afin de préserver la crédibilité et le leadership international de l’Europe sur la transition énergétique. Interrogé sur le découplage avec le gaz russe, il a rappelé le manque d’anticipation de certains États membres, comme l’Allemagne, qui a largement bénéficié de la solidarité européenne pour acheminer du gaz non russe sur son territoire, tandis que des pays comme la Moldavie, faute de moyens, en restent dépendants. Cette situation, selon lui, nécessite des financements adaptés, notamment de la BEI.
Erkki Maillard, Directeur des Affaires gouvernementales du groupe EDF
Erkki Maillard a souligné le rôle crucial de l’électrification dans la décarbonation de l’économie, tout en déplorant que l’électrification stagne à 25 %. Il a plaidé pour une taxation cohérente favorisant l’électricité plutôt que le gaz et pour des normes stables à long terme. Félicitant l’Europe de tenir bond sur un prix élevé de la tonne de carbone, il met en avant le principe de « neutralité technologique » en vigueur aux Etats-Unis : le gouvernement encourage fiscalement la décarbonation et laisse aux acteurs le choix des moyens. Mettant en avant les petites centrales nucléaires (SMR), il a suggéré la création d’une banque européenne de l’électrification pour soutenir la transition énergétique des entreprises et des ménages.
Thomas Pellerin-Carlin, Député européen (S&D)
Thomas Pellerin-Carlin a comparé l’élan climatique de 2019, porté par les marches pour le climat, au recul observé en 2024, marqué par une alliance entre conservateurs et extrême droite contre des mesures environnementales clés. Il a plaidé pour une vision économique et écologique cohérente, soulignant que l’Europe, continent le plus pauvre en énergies fossiles, est compétitivement le plus fragile dans un système fossile et a donc tout intérêt à un système énergétique vert. Pointant le contraste entre les États-Unis (via l’Inflation Reduction Act) et la Chine, dotés de plans d’investissement ambitieux, il a critiqué la faiblesse des initiatives européennes comme le Net Zero Industry Act, dépourvu de financements significatifs. L’exemple de REPower EU, qui avait stimulé la production de pompes à chaleur en 2022 avant d’être abandonné en 2023, a illustré le manque de continuité des politiques européennes.
Geneviève Pons, Directrice Générale d’Europe Jacques Delors
Geneviève Pons a mis en lumière l’impact du Green Deal européen à l’échelle mondiale, en citant l’influence du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) sur les marchés en Inde et en Chine. Elle a illustré son propos avec l’exemple du Mozambique, où l’aluminium pourrait être produit à partir d’énergie hydroélectrique au lieu du charbon. Elle a également insisté sur l’importance d’un équilibre entre ambition réglementaire et pragmatisme bureaucratique, essentiel pour maintenir l’adhésion des parties prenantes. Enfin, elle a souligné le potentiel sous-exploité des énergies marines renouvelables, notamment le développement des éoliennes en mer, tout en rappelant la nécessité de mieux protéger les océans, un patrimoine essentiel pour la lutte contre le changement climatique.
Eric Lombard, Directeur Général de la Caisse des Dépôts
Eric Lombard a déploré l’absence de cohérence dans les politiques industrielles et énergétiques européennes, ainsi que la fragmentation des marchés financiers, qui pousse les investisseurs à se tourner vers les États-Unis. Pourtant, selon lui, l’Europe dispose de tous les atouts nécessaires : une épargne abondante, des banques solides et des épargnants confiants. Il a plaidé pour une union des marchés financiers, comme recommandé par le rapport Letta, pour mieux orienter les financements vers la transition énergétique. Sur le plan technologique, il a identifié deux faiblesses majeures : les batteries, pour lesquelles l’Europe doit s’unir pour rattraper son retard, et les panneaux solaires, où un partenariat stratégique avec la Chine apparaît désormais indispensable. Enfin, il a rappelé que la clarté politique reste le levier clé pour canaliser efficacement les ressources financières disponibles.
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